A l’initiative de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), les grimpeurs Hansjörg Auer, Mauricio Giordani, Igor Koller et Philippe Mussatto étaient vendredi 30 novembre les invités du Festival du film de montagne d’Autrans, pour faire partager au public leur fascination pour la Marmolada (3342 m), plus haut sommet du massif italien des Dolomites.
Le 29 avril 2007, l’Autrichien Hansjörg Auer grimpait en solo intégral – c’est-à-dire sans corde – la voie « A travers le poisson » de la Marmolada, soit une face de 900 mètres de dénivelé côtée 7b+. Cette ascension, accomplie en seulement 2h55, est considérée dans le milieu de l’escalade comme le plus grand exploit de la décennie écoulée. « Il est possible de grimper en solo intégral des voies plus dures que celles-ci », confiait pourtant Hansjörg Auer au public d’Autrans. En escalade, certaines voies peuvent en effet atteindre une difficulté de 9a. Dès lors, comment expliquer l’énorme portée, dans le milieu de la grimpe, de la performance du jeune Autrichien (23 ans) ?
L’escaladeur italien Mauricio Giordani, ouvreur de nombreuses voies dans cette face mythique, donne un premier élément de réponse : « J’ai voyagé un peu partout dans le monde à la recherche des plus beaux spots d’escalade, mais la Marmolada est incontestablement celui qui m’a le plus marqué. C’est sa face sud qui m’a fait naître à l’alpinisme. La roche y est unique. Elle est très dure à lire au départ, mais une fois qu’on a compris ce rocher, la Marmolada offre un terrain de jeu illimité ». Le Français Philippe Mussatto abonde dans le même sens : « Découvrir la Marmolada a été un choc pour moi, dans le sens positif du mot. J’étais hyper entraîné quand je suis allé là-bas pour la première fois, et pourtant cette paroi m’avait posé de nombreux problèmes. Pour moi qui adore ouvrir de nouvelles voies, trouver de nouveaux défis en respectant une éthique rigoureuse, la Marmolada est un spot idéal. On peut y grimper en utilisant essentiellement des points d’assurance naturels, c’est ce qui me plaît dans l’escalade ».
Une éthique pure de l’escalade
Les quatre grimpeurs invités à Autrans par la FFCAM ont insisté sur cette éthique pure de l’escalade qui se dégage naturellement du plus haut sommet du massif des Dolomites. Une éthique qu’on peut résumer de la manière suivante : en escalade, c’est à l’homme de s’adapter à la paroi, et non l’inverse. Autrement dit, à la Marmolada, pas question d’installer des spits (points d’assurance artificiels) plus que de raison. « Là-bas encore plus qu’ailleurs, l’homme a compris que c’était à lui de progresser dans sa technique et son mental, pas au matériel de s’améliorer pour lui permettre de sortir de nouvelles voies », renchérit Mauricio Giordani.
Si Hansjörg Auer a frappé un grand coup avec son ascension en solo intégral de la voie « A travers le poisson », la Marmolada devrait néanmoins continuer pendant longtemps à attirer les grimpeurs du monde entier. « Il y reste de très nombreuses voies à ouvrir », assure Igor Koller, le Tchèque qui a inauguré en 1981 « A Travers le Poisson ». Ce ne sont pas les grimpeurs présents l’autre soir à Autrans qui s’en plaindront.
Martin Léger
Lauréat du festival d’Autrans
Le festival international du film de montagne d’Autrans a toujours le chic pour dénicher des perles (documentaires ou de fiction). Cette année, la révélation du festival, c’est le film de Rémy Tézier intitulé Catherine Destivelle : passion des cimes, qui a remporté le grand prix (amplement mérité). Un portrait de Catherine Destivelle, à travers l’ascension de trois sommets particulièrement esthétiques du massif du Mont-Blanc : le Grand Capucin, le Grépon et l’aiguille Verte.
Catherine Destivelle a marqué l’histoire de l’alpinisme avec des solos en hiver dans de grandes parois comme l’Eiger ou les Grandes Jorasses. Aujourd’hui âgée de 46 ans et mère d’un petit garçon, elle n’est plus dans l’exploit, mais plutôt dans le partage.
L’idée originale du réalisateur est de demander à Catherine de réaliser ces trois ascensions avec trois personnes lui permettant d’évoquer des moments clés de son existence : sa sœur cadette, une jeune qu’elle a encadrée et qui est devenue monitrice d’escalade à l’âge adulte, et l’un de ses compagnons de cordée et de vie, qui lui a donné les bases pour atteindre le haut niveau. Une bonne trouvaille, prétexte à des images magnifiques, mais aussi à des confidences rendues possibles par la situation : l’intimité d’un relais au milieu d’une paroi, où Catherine est dans son élément.
Un film superbe, émouvant et drôle, qui donne une autre image de la montagne et de ceux qui la fréquentent. Les festivaliers d’Autrans se sont levés pour l’applaudir à la fin de la projection. Catherine Destivelle : passion des cimes devrait être diffusé sur France 5 prochainement.
Jeanne Palay