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Les Alpes dans l’objectif de Doisneau

Le Musée de l’Ancien Evêché à Grenoble présente jusqu’en avril prochain une exposition intitulée Les Alpes de Doisneau. Totalement inédite, elle dévoile un pan méconnu de l’œuvre du photographe français sans doute le plus connu au monde et qui aurait eu 100 ans en 2012. Visite avec Isabelle Lazier, conservatrice du musée départemental

actumontagne.com : Tout d’abord comment est née cette exposition ?
Isabelle Lazier : Vladimir Vazak, grand reporter à Arte et auteur de documentaires et d’ouvrages sur Robert Doisneau, a une maison dans les Alpes. Régulièrement dans la région, il a toujours suivi l’actualité des musées départementaux. Nous nous étions rencontrés il y a plusieurs années lors de l’inauguration de l’exposition du Musée dauphinois, l’Homme et les Alpes. Il est aussi abonné à la Revue L’Alpe dont il connait bien le rédacteur en chef, Pascal Kober. Vladimir, en fin connaisseur de l’œuvre de Doisneau, avait repéré qu’il y avait matière à monter une exposition autour du thème alpin. Il en a discuté avec Pascal Kober, qui emballé, m’a fait part de cette idée. J’ai tout de suite été séduite par le projet, car il s’inscrivait parfaitement dans la démarche du musée de montrer différents regards et interprétations de la montagne, à travers la peinture et la photographie. C’est ce que le musée a déjà fait à travers les expositions temporaires He Yifu, le voyage d’un peintre chinois dans les Alpes (décembre 2010-février 2011) et Couleur Sépia, l’Isère et ses premiers photographes (décembre 2009-mars 2001).

actumontagne.com : Le grand public connait Doisneau et ses photos sur le Paris de l’après-guerre, notamment le fameux baiser de l’hôtel de ville, ou encore celles sur la banlieue et ses habitants. Par contre, ses photographies de montagne sont inconnues en dehors des cercles d’initiés ?
Isabelle Lazier : Effectivement, ce thème alpin est un sujet totalement inédit et inventé ! La montagne n’a jamais été un sujet à part entière pour Doisneau, contrairement à des régions comme l’Alsace ou le Limousin pour lesquelles le photographe parisien a eu des commandes pour des projets éditoriaux. Bien qu’il n’ait pas eu le pied montagnard, il a très souvent arpenté la montagne entre la fin des années trente et le milieu des années soixante pour réaliser des travaux de commandes, notamment pour son agence Rapho (photos de mode ou de publicité, reportages pour la presse, illustrations sur des thèmes de sociétés…), dans lesquels la montagne est un élément de décor. Le fonds de l’atelier du photographe, riche de 450 000 négatifs, compte aussi des travaux plus personnels comme le suivi d’une transhumance dans le Var en 1958, ainsi que de nombreuses photos familiales prises en montagne. Notamment à Laffrey en Isère où le photographe est venu chaque hiver en vacances en famille, entre 1951 et 1965.

Francine Deroudille, Isabelle Lazier, Annette Doisneau et Vladimir Vazak
Francine Deroudille, Isabelle Lazier, Annette Doisneau et Vladimir Vazak

actumontagne.com : Les Alpes de Doisneau présentent cent-vingt clichés du photographe sur le thème alpin. Comment a été opérée la sélection ?
Isabelle Lazier : Un groupe de « sages » a été créé pour plonger dans le fonds de l’atelier Doisneau à Montrouge : Valdimir Vazak, ses filles Annette Doisneau et Francine Deroudille, Pascal Kober et moi-même. Chacun a apporté son regard : celui du grand reporter, celui du rédacteur en chef ou encore celui du muséographe. Nous avons retenu cent-vingt clichés parmi peut-être 600 ou 700 images que nous avons sélectionnées dans différents dossiers classés chronologiquement ou par thèmes d’illustration (enfant, paysage, vacances…). Elles emmènent le visiteur de Megève au Queyras, en passant par le Tyrol, Chamonix, Laffrey et Grenoble. Ses filles n’imaginaient pas que l’on puisse rassembler autant de photos de leur père sur ce thème ! Plusieurs critères ont arrêté notre choix, la qualité de l’image, son côté original ou encore son intérêt pour la compréhension de l’œuvre du photographe.

actumontagne.com : L’exposition présente-t-elle des photos inédites de Robert Doisneau ?
Isabelle Lazier : Les photos de Laffrey sont inédites.  De nombreuses autres ont été publiées dans la presse (Regards, Paris-Match, Vogue, la Vie ouvrière) ou dans des ouvrages, mais n’ont jamais été exposées au grand public, comme la série avec son ami violoncelliste et comédien Maurice Baquet, qui sont des tirages d’époque de Doisneau lui-même, ou celles de la transhumance dans le Var.

actumontagne.com : Quelle est votre photo coup de cœur parmi les cent-vingt exposées qui sont également rassemblées -et commentées – dans le catalogue de l’exposition, co-édité avec Glénat ?
Isabelle Lazier : C’est difficile d’en choisir une ! Je dirais quand même celle du rêve du petit Michel que nous avons utilisée pour l’affiche (photo en Une). Je trouve qu’à travers cette image, qui date de 1936 et de son premier séjour aux sports d’hiver à Megève, Robert Doisneau, encore photographe amateur, raconte l’histoire fabuleuse d’un séjour à la montagne. Il y a tout Doisneau dans cette image, celui qui aime les gens, qui éprouve de l’empathie pour son sujet mais aussi celui qui est plein d’humour et de facétie.

actumontagne.com : L’exposition est ouverte au public depuis un mois. Quel est l’accueil ?
Isabelle Lazier : Très bon. Ce succès est un coup de chapeau à l’intuition qu’a eue Vladimir Vazak de monter une exposition autour de ce thème original et à sa concrétisation au musée de l’Ancien Evêché.

Propos recueillis par Sophie Chanaron

120 photos, 7 thématiques
Les Alpes de Doisneau prennent place dans l’espace dédié aux expositions temporaires, réaménagé dans la foulée du remodelage d’une partie de la collection permanente. L’exposition s’appuie sur une scénographie dépouillée qui laisse toute sa place à la force des images. Elle aborde sept thèmes : La montagne pour tous, Les Alpes comme décor, Maurice Baquet, professeur de bonheur, Les vacances à Laffrey, Doisneau à Grenoble, Le reporter et les ethnographes, Transhumer avec les bergers.
Magazines d’époque, publicités, carnets de notes sans oublier le célèbre Rolleiflex au format 6X6 que Robert Doisneau portait toujours en bandoulière, accompagnent ces cent-vingt clichés qu’ils resituent dans leur contexte.

 

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