C’est une exposition remarquable qu’accueille Aime en Tarentaise, du 19 juillet au 31 août, dans le cadre du 150e anniversaire de la réunion entre la Savoie et la France. Elle retrace cent-cinquante ans d’immigration italienne en Pays de Savoie à travers les témoignages d’une communauté aujourd’hui, parfaitement intégrée, et riche de sa double culture.
Après s’être arrêtée à Chambéry, Annecy, Modane ou encore Aix-les-Bains, l’exposition itinérante Espérons que… spériamo che, prend ses quartiers d’été en Tarentaise. A Aime, plus exactement, où elle investit la basilique romane Saint-Martin du 19 juillet au 31 août. Elle est le fruit d’un travail de recherche initié en 2006 par François Forray, historien, et Angela Caprioglio, sociologue, à la demande de l’Assemblée des Pays de Savoie, avec le soutien du Comites de Chambéry, antenne locale du comité des Italiens à l’étranger. « La volonté de l’Assemblée des Pays de Savoie était de valoriser la mémoire longtemps enfouie des immigrés italiens implantés dans les deux départements savoyards et de voir comment ils avaient vécu le phénomène migratoire », explique François Forray. Pendant trois ans, avec sa collègue sociologue, ils ont recueilli des centaines de témoignages auprès de la communauté italienne des Pays de Savoie, ravie de pouvoir libérer sa parole. « Nous avons surtout voulu interroger des gens « ordinaires », plutôt que des personnalités ayant forcément réussi socialement ou économiquement », souligne l’historien.
Jeunes italiens en promenade
95% de documents inédits
L’exposition retrace ainsi cent-cinquante ans d’immigration italienne dans les Savoie, pas toujours facile, à l’appui de documents exceptionnels : témoignages, photos, objets issus des collections privées. « Prêtés par les familles, 95% des documents écrits, des photos ou des objets de l’exposition sont inédits », se félicite le chercheur qui a aussi retrouvé deux reportages exceptionnels dans les trésors de l’INA : le passage d’une colonne de clandestins au col du Petit-Saint-Bernard en 1946 et l’arrivée d’ Italiens au premier centre d’accueil des travailleurs émigrés à Montmélian.
Aujourd’hui bien intégrés en Savoie, les Italiens de Savoie ont pourtant traversé, comme d’autres populations d’émigrés, des périodes où ils ont dû faire face au mépris, à la xénophobie. Et François Forray de rappeler que dans les années 80, pas si lointaines, certains Italiens achetaient encore la Stampa ou le Corriere della sera sous le manteau dans Chambéry, pour ne pas trahir leurs racines ! Trente ans plus tard, ils revendiquent haut et fort la richesse de leur double culture qui profite aussi à la Savoie, française depuis seulement cent-cinquante ans…
Sophie Chanaron