Quelques jours après son congrès annuel à Toulouse, Domaines Skiables de France effectuait cette semaine à Grenoble sa rentrée devant la presse. L’occasion pour Laurent Reynaud de réaffirmer le rôle central des exploitants de remontées mécaniques dans la vie des stations de sports d’hiver.
« Le tout ski, c’est fini. Mais sans le ski, tout est fini ». C’est par cette formule lapidaire que Laurent Reynaud, délégué général de Domaines Skiables de France, résume la problématique à laquelle sont aujourd’hui confrontées les stations de montagne françaises.
D’un côté, l’hiver 2010-11, à l’enneigement déficient – un phénomène accentué à partir de mars – a montré que les stations de sports d’hiver n’étaient pas à l’abri des caprices de la météo. « Heureusement, l’équipement en neige de culture a permis de diviser par deux, en une quinzaine d’années, l’exposition à l’aléa climatique et aux pertes de recettes qui en découlent », note Laurent Reynaud. Ce dernier a aussi rappelé, lors de son intervention, les attentes plus variées de la clientèle en dehors du ski : activités nordiques, animations, loisirs liés au bien-être…
D’un autre côté, le ski reste au centre de la vie de n’importe quelle station de montagne. « Domaines skiables de France rassemble 220 opérateurs de remontées mécaniques, qui emploient aujourd’hui 18 000 salariés, dont 15 000 saisonniers. Mais il faut aussi rajouter tous les emplois induits : moniteurs de ski, commerçant, hôteliers,etc. Ainsi, lors de l’hiver 2010-11, nous arrivions à 150 000 emplois tout compris, qui ont généré 7 milliards d’euros échangés en station », détaille Laurent Reynaud. Et ce dernier de rappeler aussi le rôle essentiel du ski pour l’aménagement d’une station de montagne. « Aujourd’hui, c’est clairement l’hiver qui fait vivre l’été. On peut accueillir les vététistes l’été parce qu’on a à l’origine construit un télésiège débrayable pour répondre aux attentes des skieurs. »
Laurent Reynaud, délégué général de Domaines Skiables de France
Partant de ce constat, Domaines Skiables de France doit assurer une double mission : pérenniser l’emploi en station d’une part, améliorer l’offre de ski d’autre part.
Pour le premier volet, « le rôle social de DSF consiste d’abord à fidéliser les saisonniers. Ça passe par de la formation continue – afin que les employés s’adaptent aux évolutions technologiques – mais aussi par des garanties d’embauche (les saisonniers sont prioritaires d’une saison sur l’autre) et par un meilleur accompagnement des femmes saisonnières pour trouver un emploi l’été », énumère Laurent Reynaud. Une politique payante à en croire les chiffres, puisque 60 % des saisonniers qui travaillent dans les remontées mécaniques françaises sont propriétaires de leur logement, et 66 % d’entre eux sont âgés de plus de 35 ans, d’après une enquête datant de 2009. « Au-delà de cette dimension sociale, cette fidélisation du personnel est aussi dans l’intérêt des stations, qui n’ont ainsi pas besoin de reformer leurs salariés à chaque début d’hiver », estime Laurent Reynaud.
Un parc de remontées vieillissant
L’amélioration de l’offre de ski doit elle répondre aux attentes des usagers, notamment par des remontées mécaniques plus performantes, l’e-commerce (vente et/ou rechargement des forfaits sur internet, permis par le développement des supports mains libres) et des nouveautés sur les pistes. « A périmètre constant, il faut donner du sens à chaque descente. On n’est plus dans une logique d’expansion des domaines skiables, avec des kilomètres de pistes interchangeables, mais plutôt dans la diversification des espaces de glisses : snowparks, zones freerides, etc » rappelle Laurent Reynaud. Concernant l’amélioration des remontées mécaniques, le délégué général de DSF insiste sur un contexte délicat pour les opérateurs de domaines skiables. « Entre 2000 et 2011, le coût d’un télésiège débrayable – calculé selon le coût moyen d’une unité de moment de puissance, autrement dit le produit de son débit par son dénivelé – a augmenté de 80 %, passant de 3,1 à 5,7 millions d’euros. Dans le même temps, le prix moyen du forfait – qui s’établit aujourd’hui à 20,60 euros – n’augmente que de 2,5 % par an, c’est-à-dire qu’il se calque simplement sur l’inflation, d’où un effet ciseau », note Laurent Reynaud. Conséquence : le montant global des investissements (remontées mécaniques, aménagements de pistes, enneigeurs…) est aujourd’hui de 270 millions d’euros, contre 400 millions d’euros il y a cinq ans. « De ce fait, le parc français de remontées mécaniques vieillit en moyenne chaque année de trois mois, en prenant en considération que les remontées mécaniques sont remplacées au fur et à mesure », précise Laurent Reynaud. A titre de comparaison, l’Autriche, avec des recettes globales de remontées mécaniques comparables – de l’ordre de un milliard d’euros par an– réinvestit chaque hiver 500 millions d’euros. Mais le délégué général de DSF met en avant les différences de modèles économiques : « Là-bas, il y a des hôteliers à la tête des compagnies de remontées mécaniques. Et l’hôtelier paye la moitié de la remontée mécanique neuve. »
Sans remettre en cause la particularité du modèle français – les remontées mécaniques sont considérées comme un service public de transports de personnes – DSF prône un assouplissement du cadre législatif, afin de prendre en compte les spécificités de l’activité. « Contrairement à d’autres services publics, les remontées mécaniques se doivent d’être compétitives. Quelque soit son niveau de compétitivité et d’investissements, une entreprise titulaire d’une délégation de service public pour la gestion de l’eau aura toujours des recettes similaires, dans la mesure où l’usager est captif, puisqu’il est bien obligé de boire et de se laver. Ce n’est pas le cas d’un domaine skiable, qui peut vite perdre en attractivité, au profit d’autres domaines skiables ou de destinations touristiques concurrentes », synthétise Laurent Reynaud. Parmi les mesures d’assouplissement possibles, ce dernier suggère un allongement de la durée des délégations de service public (20 à 30 ans aujourd’hui), « parce qu’il faut par exemple 30 à 40 ans pour amortir économiquement un télésiège débrayable à 6 millions d’euros ». Bref, les défis auxquels doivent faire face DSF et ses 220 adhérents à l’aube de l’hiver 2011-12 sont nombreux…
Martin Léger