Le dernier « snow working » des entreprises organisé par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Grenoble, mercredi 28 mars à Vaujany, était consacré à la place des nouvelles énergies en montagne. Il a notamment été beaucoup question de l’hydrogène, qui pourrait constituer dans les années à venir une alternative et/ou une solution complémentaire crédibles aux énergies fossiles, notamment en matière de transport.
Un plein quasiment aussi rapide que pour un véhicule fonctionnant au diesel (c’est-à-dire en moins de cinq minutes). Une autonomie proche des 250 km quand une voiture électrique classique ne dépasse pas les 100 km et voit ce chiffre tomber à 60 ou 70 km sur des routes de montagne. La pile à combustible (alimentée par l’hydrogène) qui offre une meilleure résistance au froid qu’une batterie standard (au lithium) d’une voiture électrique, et permet en outre de voir sa chaleur récupérée pour chauffer l’habitacle. Tels sont en résumé les principaux avantages d’une voiture fonctionnant à l’hydrogène. Au rayon des points négatifs, on peut citer l’absence de climatisation dans la voiture (également constatée sur une voiture électrique classique), le faible nombre de stations de recharge (seulement 22 en France dont 3 dans la région Rhône-Alpes, à Grenoble, Lyon et Valence), ou encore le prix d’achat élevé d’une voiture à hydrogène. « Rien que la pile à combustible coûte 53 000 €, même si nous avons bénéficié d’une subvention de 27 000 € pour son achat, en mai 2015. On peut dire que d’un point de vue purement comptable, c’est une hérésie économique. Mais c’est un excellent outil de communication », affirme Arnaud Morere, du Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes, qui utilise un véhicule à hydrogène pour des déplacements intra-muros à Grenoble.
Même si l’idée est plutôt séduisante, il faudra encore attendre plusieurs années avant de voir les voitures à hydrogène essaimer sur les routes françaises, et peut-être plus encore dans les zones de montagne. A l’heure actuelle, seules 200 voitures à hydrogène circulent dans l’Hexagone, et sont pour la plupart destinées à des flottes d’entreprises (dont 70 taxis de la société Hype, à Paris). EDF, qui se penche depuis quelques mois sur la question, projette d’ailleurs d’installer un électrolyseur sur son site hydroélectrique du barrage de Saint-Egrève (à 10 km au nord de Grenoble). Cet électrolyseur permettrait de produire 150 kilos d’hydrogène décarboné* , répondant ainsi aux besoins d’une flotte d’une soixantaine de véhicules et de deux bus. Dans le cadre de son projet de « territoire zéro émission », la Région Auvergne Rhône-Alpes souhaiterait la mise en service de 1000 voitures à hydrogène et 20 stations de recharge sur son territoire. « Elle a demandé des financements européens pour ce projet, et serait prête à financer le surcoût d’un véhicule à hydrogène (par rapport à une voiture diesel) jusqu’à 17 000 euros, à condition qu’il roule au moins 8000 km par an. Mais cette aide concernerait uniquement les collectivités ou les entreprises, pas les particuliers », explique Ingrid Milcent, chargée de mission innovation à Tennerdis (pôle de compétitivité de la transition énergétique).
Mais quid des projets concernant spécifiquement les territoires de montagne, et notamment les stations de ski ? Guy Baret, de Sorea (opérateur électrique en Maurienne), a présenté lors de ce snow working de Vaujany le projet M2H2 (Maurienne Mobilité Hydrogène). « Les stations de ski sont conscientes qu’elles doivent aller vers la mobilité propre. Les clients qui viennent en séjour apprécient mal d’avoir une navette polluante en station. Mais pour des bus qui tournent 15 heures par jour, comme à Valloire, la solution électrique classique a ses limites, notamment le manque d’autonomie et l’impossibilité de recharger des batteries par des températures négatives. Bref l’hydrogène peut être une bonne alternative, d’autant plus que la pile à combustible va fournir le chauffage du bus ». Partant de ce constat, Sorea avait déposé en septembre 2016 une première mouture de son projet M2H2, qui prévoit un réseau de sept petites stations de distribution d’hydrogène réparties sur toute la vallée de la Maurienne (à Saint-François-Longchamp, La Toussuire, Saint-Jean-d’Arves, Saint-Jean-de-Maurienne, Valloire, Modane, et une en Haute-Mauriene) et exploitant les ressources en énergies renouvelables. Non retenu dans un premier temps (notamment pour cause d’un manque de densité de population et à cause d’une trop grande dépendance à la technologie de production in situ d’hydrogène à haute pression), le projet a été adapté, et pourrait, s’il est retenu, voir le jour en plusieurs étapes d’ici à 2025.
En matière de vélo aussi, l’hydrogène a de l’avenir. Certes, à l’heure actuelle, c’est encore cher (7500 € à l’achat, contre environ 2000 – 2500 € pour un vélo électrique). « Mais il y a déjà une centaine de vélos à hydrogène qui circulent en France, par flottes de 10 à 20 vélos. Ils sont achetés par des collectivités, qui les revendent ensuite aux loueurs à des prix attractifs, voire exploités directement par des offices du tourisme pour de la location au grand public. Ils ont une autonomie de 100 km et la charge ne prend que trente secondes. Ils ne sont pas déployés dans des territoires de montagne aujourd’hui, mais on pourrait très bien imaginer qu’ils y soient utilisés à l’avenir, par exemple pour gravir les grands cols mythiques », estime Geoffroy Ville, responsable commercial de la société Atawey, spécialiste des stations de recharge d’hydrogène « vertes ».
Martin Léger
* La majeure partie de la production actuelle d’hydrogène dans le monde résulte d’un processus de fracturation hydraulique (en faisant réchauffer à 700 – 1000°C de la vapeur qui est combinée avec du méthane pour produire de l’hydrogène, du monoxyde de carbone et du CO2), en bref une méthode loin d’être neutre au niveau de son empreinte environnementale.