Depuis l’été dernier, l’Union des producteurs de Beaufort s’est dotée d’une unité ultra-performante et vertueuse de transformation du lactosérum, vendu jusqu’ici à des tiers. Inaugurée aujourd’hui à Albertville, Savoie Lactée valorise le petit lait en beurre, ricotta et poudre de protéines. A la clé, des revenus supplémentaires pour les producteurs, des emplois sur le territoire et la production de biogaz grâce à la transformation des déchets ultimes par méthanisation. L’investissement s’élève à 13 millions d’euros.
Savez-vous que fabriquer un 1 kg de fromage Beaufort génère 9 kg de lactosérum, communément appelé le petit-lait ? Ce résidu de la fabrication fromagère, riche en sucre, sels minéraux et protéines, n’est plus traité dans les ateliers savoyards depuis bien longtemps. Il est vendu à des entreprises tiers spécialisées, situées hors du département de la Savoie, et qui en font de la poudre de lait.
Cette sous-traitance du lactosérum implique des coûts de transport élevés, ainsi qu’un empreinte carbone importante. Et un manque à gagner pour les producteurs, estime l’Union des producteurs de Beaufort, à laquelle adhèrent 600 agriculteurs liés à la filière Beaufort. En effet, le lactosérum doux a pris de la valeur sur le marché, car il est de plus en plus prisé pour la nutrition humaine. « Il y a 5 ans, nous avons décidé de ne plus considérer le lactosérum comme un déchet, mais de le valoriser nous même, en nous réappropriant le marché », explique Yvon Bochet, le président de l’Union des producteurs de Beaufort, réunion de 7 coopératives de Beaufort.
Rejoint par les coopératives de Yenne et des Entremonts en Chartreuse, qui produisent elles d’autres fromages que du Beaufort (tomme de Savoie), l’UPB a donc porté depuis 2013 le projet de création d’une unité de transformation du petit-lait, à Albertville, où elle disposait d’un terrain. La mission de cette nouvelle entreprise : valoriser 52 millions de litres de petit-lait.
Au départ, le projet visait à valoriser le petit-lait en produisant du biogaz pour le réseau EDF, mais après études, cette seule production énergétique s’est révélée pas assez rentable.
« Nous avons finalement fait le choix de transformer notre lactosérum en trois produits pour l’instant : en beurre, en ricotta, l’équivalent de notre Sérac, et en poudre de protéines, commercialisés sour la marque Notre Montagne », poursuit Yvon Bochet, qui souligne le caractère vertueux de Savoie Lactée. « Non seulement nous avons supprimé l’équivalent de 800 000 kilomètres de trajets effectués par les camions chaque année pour transporter le lactosérum chez ses transformateurs installés à Verdun et Mâcon, mais notre usine est couplée à une unité de méthanisation qui permet de transformer les déchets de notre production en biogaz ». Ainsi, ce dernier permet de créer de l’électricité revendue pour une part au réseau EDF. Elle est aussi réutilisée pour les besoins de l’entreprise qui, au final, consomme moins d’énergie qu’elle n’en produit !
Ce outil industriel par et pour les producteurs représente un investissement de 13 millions d’euros. Une somme empruntée en grande partie auprès du Crédit agricole des Savoie et de la Société générale, emprunts auxquels s’ajoutent les subventions de l’Assemblée des Pays de Savoie, soit de 2,5 millions d’euros, et enfin, 1 million d’euros d’autofinancement. « Nous n’allons pas gagner de l’argent tout de suite », reconnait Yvon Bochet. « Mais nous travaillons pour ceux qui arrivent derrière nous, comme nos parents nous ont laissé les ateliers de nos coopératives, sauvant la filière Beaufort. Projet collectif, Savoie Lactée, va permettre de souder tous les acteurs concernés autour de la relocalisation en Savoie de la transformation du lactosérum. C’est de l’écologie intelligente parce qu’elle est économique, viable et génère de l’emploi ». Hautement automatisée, Savoie Lactée a déjà créé 10 emplois sur le territoire.
Sophie Chanaron