Bonheur immense au Parc national de la Vanoise où trois gypaétons sont nés ces dernières semaines à Termignon en vallée de Maurienne, ainsi qu’à Val d’Isère et à Peisey-Nancroix en Tarentaise. Plus grand rapace d’Europe, celui qu’on a surnommé le démon des airs, en raison de son poitrail couleur feu et son iris bordé de rouge, avait totalement disparu des Alpes au début du 20e siècle. Accusé de s’attaquer aux troupeaux, voire d’enlever des enfants, il a été persécuté par nos ancêtres jusqu’à son éradication totale à l’état sauvage.
Depuis 1986, un ambitieux programme européen de réintroduction de ce charognard inoffensif a été lancé dans l’arc alpin. Il a démarré en Autriche, avec l’installation d’oiseaux issus d’élevage dans le Parc national du Hohe Tauern. Dès 1989, les gardes-moniteurs du Parc national de la Vanoise ont observé la présence de gypaètes barbus sur le territoire du parc. Il faut dire que les kilomètres ne font pas peur à ce vautour dont l’envergure atteint 3 mètres ! Des observations ont montré qu’en 48 heures, il pouvait par exemple faire l’aller-retour entre la France et l’Autriche.
C’est l’abondance de nourriture au sein du territoire de la Vanoise qui visiblement poussé le gypaète barbu à s’y installer. Son alimentation se compose essentiellement d’os prélevés sur des carcasses d’animaux, qu’il brise en les lâchant en vol sur les rochers. D’où son surnom de casseur d’os. « Cette espèce emblématique et nécrophage, véritable éboueur des montagnes, témoigne de la bonne santé de notre massif », explique Régis Jordana, garde-moniteur sur le secteur de Peisey-Nancroix Aujourd’hui, trois couples reproducteurs nichent en Vanoise où 14 gypaètes sont nés entre 2002 et 2009.
Le gypaète est le plus grand vautour d’Europe ; son envergure atteint 3 mètres
Ne pas déranger !
Les trois nouvelles naissances de ce printemps viennent saluer les efforts des équipes pour assurer le retour de l’espèce dans nos montagnes. Pour autant, celui- ci reste fragile, car de nombreux dangers guettent ce volatile à la reproduction lente : poison, câbles électriques, présence humaine… « Le gypaète barbu met jusqu’à 7 ans pour atteindre sa maturité sexuelle et les tentatives de reproduction en milieu naturel sont souvent infructueuses », précise Régis Jordana. D’où l’importance de ces trois dernières naissances qui sont l’objet de toutes les attentions des gardes-moniteurs. Mais tant qu’ils ne volent pas, leur espérance de vie reste faible. « A Peisey, où le couple niche à 1930 m dans une aire facile à observer, nous allons sur site presque tous les jours ». Des visites très discrètes pour ne pas conduire les parents à abandonner leur nid ce qui condamnerait leur progéniture.
Si tout va bien, ces oisillons devraient prendre leur envol fin juin. Pour les observer sans les perturber, profitez des randonnées accompagnées organisées par le Parc national de la Vanoise pendant l’été. L’occasion d’en savoir un peu plus sur cette espèce qui va faire l’objet en juin prochain d’une réintroduction dans les falaises sud du Vercors.
Renseignements sur www.parcnational-vanoise.fr
Sophie Chanaron