Ils ont plus de 65 ans et n’ont raccroché ni leurs skis, ni remisé au placard leur fameux pull rouge. Au moment des pics de fréquentation des stations, comme les vacances de février, ils viennent prêter main forte à leurs collègues moniteurs des ESF avec un bonheur évident. Rencontre avec des anciens, toujours bon pied, bon oeil.
Ils ont le teint buriné, les cheveux argentés, la silhouette un brin épaissie, mais vêtus de la dernière tenue officielle du Syndicat des moniteurs du ski français, ils portent toujours beau ! Ils, ce sont ces moniteurs de ski qui, la soixantaine bien tassée, et alors que la majorité des travailleurs de leur âge profitent de leur retraite, continuent d’exercer leur métier. Parfois par nécessité, pour compléter une pension trop modeste, mais souvent par passion pour une profession qui, a longtemps fait d’eux des seigneurs, pour reprendre un qualificatif à la mode dans les années 60. Aujourd’hui seniors et toujours en forme, « grâce au fait de rester partiellement en activité », ils se mettent à la disposition du directeur de l’école de ski à laquelle ils sont adhérents, pour renforcer les effectifs en période d’affluence. « Il ne s’agit pas de prendre le travail des jeunes », prévient Michel Guillet, créateur de l’ESF de Méaudre en 1964 qu’il a dirigée jusqu’en 1984. «Nous, les anciens, nous venons en dépannage, nous sommes en quelque sorte des rustines », plaisante cette figure de la station du Vercors qui, l’hiver, passe ses journées sur les pistes de ski alpin comme de fond, et garde toujours près de lui la douzaine de mémentos du Syndicat des moniteurs du ski français, la bible des monos. «C’est important de s’adapter et de suivre l’évolution notre méthode d’enseignement, qui doit être partout la même et de qualité ».
Michel Guillet, 65 ans, une figure de l’ESF de Méaudre qu’il a créée en 1964 !
Le plaisir du contact
S’adapter, c’est un terme qui revient beaucoup dans leur conversation. Pas question, sous prétexte de leur âge honorable, de s’arc-bouter sur leurs acquis techniques et pédagogiques. « Nous devons nous adapter aux dernières nouveautés, suivre la marche », insiste Henri Frier, dit Riquet, moniteur de ski à l’ESF de Lans-en-Vercors depuis 1971, qui, comme ses collègues seniors, a suivi tous les virages techniques et commerciaux des ESF. «Nous devons préserver l’image de marque des moniteurs du ski français ». Une communauté à laquelle ils sont fiers d’appartenir et de défendre, comme Georges Claudel, 30 ans de carrière au PGHM (Peloton de gendarmerie de haute montagne) de Grenoble et moniteur temporaire à l’ESF d’Autrans depuis 1993. Il a retrouvé un esprit de corps, une solidarité assez semblable à celui de l’armée et surtout le plaisir d’être en contact avec le public, enfant comme adulte. Lui, comme ses collègues, ont des dizaines d’histoires à raconter sur des rencontres, des moments de complicité avec leurs clients. « Il n’est pas rare de former la troisième génération d’une même famille », indiquent-ils avec satisfaction tout en constatant que la fameuse relation moniteur-élève n’était plus aussi privilégiée qu’avant. « Les gens sont beaucoup plus stressés aujourd’hui, ils en veulent pour leur argent et en même temps, vont devant les tribunaux pour le moindre pépin », regrette Henri Frier, qui souhaiterait que l’esprit de fête, très présent autrefois, prime à nouveau.
Henri Frier, 66 ans, moniteur de l’ESF de Lans-en-Vercors, toujours en forme grâce à son maintien en activité.
Mais la nostalgie ne résiste pas longtemps à l’appel de la glisse ! A la veille des vacances de février, comme leurs jeunes collègues avec qui, ils s’entendent plutôt bien, les anciens sont dans les starting-blocks. La dernière tenue officielle trône dans l’entrée et ils ont hâte de continuer à participer à l’écriture de la légende des pulls rouges.
Sophie Chanaron
Photo de une : Georges Claudel, 70 ans, ancien du PGHM de Grenoble, il enseigne le ski depuis 1993 à Autrans et se régale !