Alors que la saison de ski touche à sa fin – seules les stations de Tignes et de Val Thorens sont encore ouvertes, jusqu’au 8 mai inclus – nous avons interrogé Laurent Reynaud, délégué général de Domaines Skiables de France (le syndicat qui fédère les exploitants de remontées mécaniques) pour dresser un bilan de l’hiver 2010-2011.
Actumontagne.com : Quel regard portez-vous sur la saison de ski écoulée ?
Laurent Reynaud : Elle a débuté sur les chapeaux de roue, avec des chutes de neige précoces. Les vacances de Noël ont été moyennes, le mois de janvier creux et long, tout comme la fin mars. Les vacances d’hiver ont en revanche été très bonnes. Le mois d’avril a lui été catastrophique, avec une « double peine » causée par des températures estivales et des vacances de Pâques très tardives. Bien que nous n’ayons pas encore les chiffres définitifs, il est certain que nous enregistrerons un recul par rapport à l’an passé. La baisse de la fréquentation (nombre de journées-skieurs) sera probablement comprise entre moins 5 et moins 7%, et la baisse des recettes entre moins 3 et moins 5 %.
Actumontagne.com : Les conditions météo ont joué un grand rôle lors de cet hiver 2010-11…
Laurent Reynaud : Oui, en effet. Les précipitations ont été très faibles, d’où un enneigement moindre que les hivers précédents. Cela étant, la météo ne nous a pas été totalement défavorable, avec un ensoleillement important. De ce fait, les vacanciers ont tout de même affiché un niveau de satisfaction élevé. Il faut noter que l’impact des conditions météo n’a pas été le même sur les touristes et sur la clientèle locale. Cette dernière, plus exigeante sur les conditions d’enneigement, a moins skié que lors des hivers précédents. Le ski restera toujours soumis aux aléas climatiques, avec de bonnes et de mauvaises saisons, mais l’engouement pour ce sport ne se dément pas avec une fréquentation des domaines skiables français qui a doublé en 20 ans.
Actumontagne.com : Malgré ce faible enneigement, les domaines skiables sont parvenus à rester ouverts dans des proportions plus que correctes…
Laurent Reynaud : C’est la grande leçon de cet hiver. Cette large ouverture des domaines a été rendue possible grâce aux travaux d’aménagement des pistes effectués pendant l’été, aux progrès du damage et à l’augmentation de l’équipement des domaines skiables en neige de culture. On estime d’ailleurs qu’on a réussi à diviser par deux l’exposition à l’aléa climatique en une quinzaine d’années. Il suffit de comparer les hivers 1989-90 et 2006-07, tous deux aussi catastrophiques l’un que l’autre en termes d’enneigement. En 1989-90, la baisse de fréquentation par rapport à la saison précédente avait été de 30 %, contre seulement 15 % en 2006-07. Et pour cet hiver, on remarque que ce sont les stations de basse altitude et peu équipées en neige de culture qui ont le plus souffert, avec des baisses de fréquentation comprises entre moins 50 et moins 80 %.
Actumontagne.com : Quelles sont les pistes de réflexion pour l’avenir ?
Laurent Reynaud : Les stations doivent consolider leur cœur de métier, à savoir le ski, tout en continuant les activités de diversification. Ces dernières doivent s’inscrire dans une démarche complémentaire, et non concurrente, à l’offre neige. Il faut bien avoir en tête que c’est d’abord le ski qui attire du monde en station. Et pour consolider le ski, il faut continuer à développer le réseau de neige de culture, qui couvre aujourd’hui environ 20 % de la surface totale balisée des domaines skiables (une piste sur cinq). Nous sommes encore loin de l’Autriche ou de l’Italie, où ce taux atteint 50 %. Nous devons aussi pérenniser l’attractivité des remontées mécaniques, avec des appareils performants. Là aussi , nous sommes en retard sur l’Autriche, puisque nos téléportés (téléphériques et télécabines) ont 19 ans de moyenne d’âge, contre 12 ans en Autriche.
Actumontagne.com : Mais cette modernisation des domaines skiables est coûteuse…
Laurent Reynaud : Oui, puisque il faut savoir qu’un télésiège débrayable six places vaut environ 6 millions d’euros, ce qui correspond à peu près au chiffre d’affaire annuel d’une station de taille moyenne. C’est pourquoi il faut réfléchir à de nouvelles sources de financement. Il peut être intéressant de regarder du côté des fonds d’investissement de proximité. Ce sont des particuliers qui financent ces fonds, ce qui leur permet de bénéficier d’une défiscalisation. Ça s’est fait par exemple pour l’industrie du décolletage dans la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie. C’est l’une des pistes de réflexion à explorer.
Propos recueillis par Martin Léger