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Le météorologue et les Inuits

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Dans le cadre de l’exposition Arctic 21, proposée par la Maison des jeux olympiques d’hiver à Albertville jusqu’à l’automne prochain, nous avons interrogé Pierre Taverniers, témoin de l’impact du réchauffement climatique sur les modes de vie et la culture des peuples du Grand Nord.

actumontagne.com : Vous avez effectué un premier séjour d’études scientifiques dans une communauté inuit du Groenland en 1987-1988. Vous y êtes retourné en 2008-2009 dans le cadre de la 4e année polaire internationale. Qu’est-ce qui a changé en vingt ans ?

Pierre Taverniers : Lors de mon premier séjour à Qeqertaq, village de la côte ouest du Groenland, la centaine d’habitants vivait encore au rythme de l’évolution de la banquise, présente huit mois par an. Vingt ans plus tard, la température moyenne a augmenté là-bas de près de 4°C, alors qu’au niveau mondial, cette augmentation avoisine les 1°C. Sous l’effet du réchauffement, la banquise est de moins en moins présente, bouleversant le quotidien des habitants de Qeqertaq. Ils ne peuvent plus se déplacer aussi facilement qu’avant pour chasser et pêcher. Les Inuits sont progressivement contraints d’abandonner leur économie de subsistance pour entrer dans la société de consommation. Le canot à moteur a par exemple remplacé les traîneaux à chiens, leur nourriture est de plus en plus occidentale et exogène, avec à la clé l’apparition de pathologies pour eux inconnues jusqu’ici comme le diabète et les maladies cardio-vasculaires.

actumontagne.com : Le réchauffement climatique menace donc directement la culture des Inuit?
P.T.
Absolument ! Avec la fonte de la banquise, des savoirs essentiels comme l’élevage des chiens, leur dressage, les déplacements et l’orientation sur la glace de mer, jusqu’ici transmis par l’observation et la pratique, risquent fort de disparaître. J’ai rencontré le directeur de l’école qui me disait que deux hivers de suite, il n’avait pas pu emmener les enfants en leçon de choses sur la banquise. Les apprentissages se perdent avec pour conséquence l’absence de plus en plus marquée de repères pour les plus jeunes chez qui le taux de suicide a d’ailleurs fortement augmenté ces dernières années.

actumontagne.com : Les Inuits exhortent les puissances industrielles à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, responsables en partie du réchauffement climatique. Sans succès pour l’instant… Voyez-vous une issue favorable ?
P.T
. Nous l’avons bien vu au sommet de Cancun en décembre dernier, les Etats peinent à se mettre d’accord pour une réduction massive des gaz à effet de serre. Pour autant, les choses peuvent bouger. Prenez l’affaire de la couche d’ozone. L’interdiction totale des polluants comme les CFC a porté ses fruits. Pour le réchauffement climatique, chacun peut aussi agir.
Propos recueillis par Sophie Chanaron

 

 

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