Ancien directeur du service des pistes de Valloire, guide de haute montagne, Michel Viallet est un fidèle de ce challenge, parrainé par Luc Alphand. Expert de la préparation des pistes, il était le président du jury -une trentaine de membres bénévoles- de la 21e édition de ce championnat de France des conducteurs d’engins de damage, qui s’est tenue à Courchevel, ces 30 et 31 mars. Interview.
actumontagne : Etre président du Challenge Pisten Bully, créé et organisé par Kässbohrer, ce n’est pas une première pour vous ?
Michel Viallet : Non effectivement. Je l’ai été pendant douze ans à partir du deuxième challenge, en 1997 jusqu’à mon départ à la retraite du service des pistes de Valloire, en 2006. Ensuite, comme je n’étais plus en activité, j’ai estimé qu’il fallait que je passe la main. Je suis resté comme membre du jury pour aider mon successeur et pour continuer à transmettre mes connaissances. Cette année, je suis président par intérim ! J’ai accepté de remplacer le président en exercice, Thierry Faure, responsable du damage à Serre-Chevalier, en mission en Russie.
actumontagne : A quand remonte vos premières expériences du damage mécanique ?
Michel Viallet : A 1970 ! A l’époque, on partait à deux dans la machine, nous avions les chaussures de ski et les skis avec nous, car nous laissions l’engin sur les pistes. Nous ne damions que la neige fraîche, les machines n’étant pas encore équipée de lame ! C’était la débrouille. On damait aussi au milieu des gens ! Rapidement le matériel a évolué, grâce à l’hydraulique. Les engins à treuil sont apparus, permettant de damer toutes les pistes. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un chauffeur à bord des dameuses, celles-ci sont beaucoup plus fiables et performantes. Les domaines s’étant agrandis, les parcs de machine se sont aussi développés en conséquence. On dame principalement la nuit mais, grâce à la grande taille des domaines, il est désormais possible de fermer en journée un secteur le temps de le damer, sans que cela n’impacte l’exploitation.
Actumontagne : Damer une piste, ça sert à quoi à part améliorer les conditions de glisse des skieurs ?
MV : Cela permet d’emmagasiner du froid dans le manteau neigeux pour que la piste tienne jusqu’à la fin de la journée. C’est un travail de précision car une piste de ski, ça se construit. C’est un véritable millefeuille réalisé à partir d’une matière qui coûte cher et est donc précieuse. Quand on dit que la neige, c’est de l’or blanc, c’est vraiment ça ! Les chauffeurs en sont vraiment conscients. Ils sont soumis à une forte pression, les exigences des exploitants et les attentes des skieurs étant croissantes.
Actumontagne : Quelles sont les qualités d’un bon chauffeur ?
MV : Il doit être précis, savoir utiliser au mieux les possibilités de sa machine, qui sont aujourd’hui des bijoux de technologie. Elles valent plus chères qu’une Ferrari ! La fourchette va de 300 000 à 450 000 euros. Aujourd’hui, il doit aussi savoir être économe en carburant, en clair, il ne doit pas avoir une semelle de plomb ! Ceci pour réduire la consommation de carburant, préserver la machine et bien sûr préserver l’environnement, en réduisant, grâce à l’éco-conduite, les émissions polluantes.
Actumontagne : Que jugez-vous pendant la compétition ?
MV : Nous jugeons l’habileté du chauffeur avec la lame. Un peu comme les challenges dans les travaux publics avec la pelle-mécanique, où le chauffeur doit poser le godet qui fait 4 tonnes sur un oeuf ou prendre un oeuf avec la griffe ! Les chauffeurs disputent aussi des épreuves de ski -fond et alpin-, car un pilote doit bien sur savoir skier. Un pilote non-skieur pourrait estimer que la surface est assez skiable, alors même qu’il reste des boulettes ou des traces ! Sur les épreuves de ski, nous regardons, non pas la vitesse des concurrents mais comment ils manoeuvrent à ski.
actumontagne : Le niveau des concurrents a-t-il augmenté au fil des ans ?
MV : C’est incontestable, à mesure que le matériel lui-même devenait de plus en plus performant. Nous constatons aussi que l’écart entre les chauffeurs s’est réduit et qu’ils progressent dans le doigté, leur façon de mener la machine. De même, on observe, que dans le top 15, c’est souvent le même groupe de stations qui est en tête. Peut-être le résultat d’un passage dans une même école ou une façon commune de travailler.
actumontagne : Le challenge n’est pas qu’une compétition, c’est aussi de l’échange d’expériences ?
Absolument. Les chauffeurs sont des passionnés. Participer au challenge relève d’une démarche volontaire, ce qui dénote leur intérêt pour leur métier et les machines. Etre dameur, c’est une vocation. Depuis tout petit, ils rêvent de conduire ces engins. Pendant le challenge, ils ont bien sûr l’opportunité d’échanger sur leurs méthodes de travail, l’évolution des pratiques et de tester les dernières innovations. Ils renforcent aussi leurs liens avec les professionnels de la neige car aujourd’hui, avec la neige de culture, c’est un binôme, nivoculteur et chauffeur, qui prépare les pistes.
actumontagne : Vous parlez toujours au masculin. Mais existe-t-il des pilotes femmes ?
MV : Bien sûr ! Et elles sont même très performantes ! Elles représentent entre 15 et 20% des effectifs.
Propos recueillis par Sophie Chanaron
Challenge PistenBully : le palmarès 2016
Au terme des deux jours d’épreuves à Courchevel, où une cinquantaine d’équipes de chauffeurs d’engins de damage étaient réunies, c’est la station d’Avoriaz qui remporte cette année le Challenge PistenBully 2016 dans la catégorie alpin, devant Les Saisies et Les Rousses. En nordique, la station des Saisies s’impose pour la 2e année consécutive, devant Superbagnière et Les Rousses. Les vainqueurs vont pouvoir tester gratuitement une PistenBully pendant un mois de la saison 2016/2017. Une belle récompense, très appréciée des exploitants, qui souvent en font l’acquisition ! L’an prochain, la 22e édition aura lieu à Villard-de-Lans.