Christopher Froome, Alberto Contador, Fabio Aru, Thibault Pinot, Romain Bardet… sont les principaux favoris du 68e Critérium du Dauphiné, qui débute dimanche 5 juin au Gets, pour s’achever dimanche 12 juin à SuperDévoluy. Présentation de cette édition 2016 par Bernard Thévenet, ancien double vainqueur du Tour de France et directeur de course.
Actumontagne.com : Cette année, le Critérium commence par un terrible prologue en côte aux Gets (3,9 km à 9,7 % de moyenne, dont le dernier km à 15 % !). Pourquoi ce choix ?
Bernard Thévenet : Nous n’avions plus fait ça depuis l’an 2000 (avec la montée de la Bastille, sur les hauteurs de Grenoble). Nous avions envie de changer. Un contre-la-montre en côte en guise de prologue permet d’avoir une épreuve spectaculaire et d’établir une bonne hiérarchie, sans tuer tout suspense d’entrée de jeu. Je ne pense pas que les écarts entre favoris dépasseront les vingt secondes. C’est un effort d’une douzaine de minutes qui devrait plutôt convenir à un grimpeur davantage qu’à un puncher. Les punchers peuvent être efficaces sur des montées très raides, mais plutôt lorsque l’effort ne dépasse pas trois à quatre minutes. Cela dit, un puncher-grimpeur comme Joaquim Rodriguez peut parfaitement tirer son épingle du jeu. Et si Christopher Froome est en forme, ça va déblayer ! Il faudra aussi surveiller Dayer Quintana (le frère de Nairo) sur ce prologue.
Actumontagne.com : Comme souvent, le Critérium devrait se jouer lors d’un triptyque montagneux. Que pouvez-nous dire de ces étapes finales ?
Bernard Thévenet : A priori, l’étape entre La Ravoire et Vaujnay (vendredi 10 juin), via les Balcons de Belledonne, est plutôt taillée pour baroudeurs. Je ne vois pas les favoris partir de loin, quoi qu’il faut se méfier. L’an passé, sur l’étape qui arrivait à Villard-de-Lans, avec un profil similaire à celle de Vaujany, Nibali et Valverde avaient attaqué de très loin et conservé leur avance jusqu’au bout. Mais dans tous les cas, il devrait y avoir une grosse bagarre dans la montée de Vaujany (6,4 km à 6,5 %), même s’il sera difficile pour un leader de prendre plus de 30 à 40 secondes à ses rivaux, sauf en cas de défaillance. Celle du samedi 11 juin (La Rochette-Méribel) est la plus difficile sur le papier. C’est vraiment l’étape pour creuser des écarts, jusqu’à une ou deux minutes. Plusieurs scénarios sont possibles, y compris un leader qui attaquerait dès le col de la Madeleine (dont le sommet est placé à 70 km de l’arrivée), mais à condition qu’un de ses équipiers soit parti en éclaireur, dans une échappée matinale, pour lui servir de relais, notamment pour la portion plate avant Moûtiers. Le final est semblable à celui de la dernière étape d’il y a deux ans (sauf qu’elle arrivait à Courchevel), et on avait eu une course très animée. C’est une étape qui peut faire peur, mais nous l’avons volontairement faite courte (140 km) pour que les coureurs n’hésitent pas à se lancer dans la bagarre. La dernière étape (Pont-de-Claix – SuperDévoluy, dimanche 12 juin) comporte certes des difficultés (notamment le col du Noyer), mais elle est a priori plus facile à contrôler pour le maillot jaune que celle de Méribel, surtout s’il peut compter sur une bonne équipe autour de lui. Elle est donc moins propice aux gros écarts. Mais là aussi elle n’est pas longue, donc je pense que les leaders n’hésiteront pas à s’attaquer. Et la récupération des efforts consentis jusqu’ici peut avoir son importance.
Actumontagne.com : Le plateau est encore très dense cette année. Qui voyez-vous sur le podium final ?
Bernard Thévenet : Je verrais bien une victoire de Thibault Pinot, devant Alberto Contador et Christopher Froome. Il s’agit de la première fois que Pinot dispute le Critérium. Ces dernières années, il allait plutôt sur le Tour de Suisse. Mais ce dernier est plus dur et plus long que le Dauphiné, du coup c’est plus dur de récupérer en vue du Tour de France. Et comme il s’achève plus tard, on manque de temps pour rectifier ce qui ne va pas. Après le Dauphiné, en revanche, on a assez de temps pour récupérer et fignoler son entraînement. On a souvent vu par le passé – notamment l’an passé et en 2013 pour Froome – un podium du Dauphiné proche de celui du Tour de France. Il est toujours difficile de savoir dans quel état de forme les favoris arrivent sur le Dauphiné. Mais ce qui est certain, c’est que s’ils en ont la possibilité, ils doivent absolument jouer la gagne. Parce que ça leur permet de donner confiance aussi bien à leurs équipiers qu’à eux-mêmes, et de marquer les esprits, de faire peur à leurs adversaires dans l’optique du Tour de France.
Propos recueillis par Martin Léger