Alors que le gouvernement s’apprête, selon des informations du Monde, à prolonger la fermeture des remontées mécaniques pendant les vacances de février (faisant ainsi craindre une saison blanche), les domaines skiables suisses, eux, sont ouverts quasiment normalement depuis le début de l’hiver. Par curiosité, nous sommes allés voir à quoi ressemblait le ski alpin au temps de la Covid-19. Reportage du côté helvète des Portes du Soleil, composé des stations de Morgins, Champoussin, Les Crosets et Champéry.
Afin de ne pas risquer une mise à l’isolement comme ces 48 malheureux vacanciers originaires du Doubs, placés à l’isolement le samedi 3 janvier de retour d’une virée au ski en Suisse, je suis allé, deux jours avant ce reportage, faire un test PCR dans un laboratoire de Meylan (banlieue grenobloise), afin de pouvoir le présenter aux forces de l’ordre en cas de contrôle lors du passage de la frontière. La gendarmerie d’Abondance (l’une des stations françaises des Portes du Soleil, en Haute-Savoie) m’avait au préalable confirmé que ce test pouvait être réalisé n’importe où, tant qu’il datait de moins de 72 heures et qu’il était négatif.
Zéro contrôle à la frontière
Finalement, cette précaution ne m’aura pas servi pendant ces deux jours au ski, durant lesquels je suis passé à quatre reprises devant le poste de douane (deux fois le vendredi 15 janvier, deux fois le samedi 16 janvier, ayant réservé un hébergement du côté de la Chapelle d’Abondance, côté français, à 15 minutes de route de Morgins). Je n’ai pas aperçu le moindre douanier ou gendarme à cette occasion. Où étaient-ils ? Au bistrot ? Certainement pas ! Comme en France, les bars et restaurants sont fermés en Suisse, même si beaucoup d’entre eux proposent de la vente à emporter.
Si quelques Français ont visiblement eu la même idée que moi, il n’y avait pas non plus, loin de là, un cortège ininterrompu de voitures sur la route allant vers Morgins depuis la France, à l’instar de ceux qu’on peut voir un samedi de beau temps d’un hiver « normal » en direction de l’Oisans ou des stations de Tarentaise. Les mises en garde de Jean « Père Fouettard » Castex avant les vacances de Noël à l’encontre des skieurs français tentés d’aller poser leurs spatules chez nos voisins ont visiblement eu l’effet escompté.
Des Covid-Angels veillent au grain
Arrivé à Morgins, je me serais presque cru revenu un an en arrière, lorsque ce fichu virus ne nous empoisonnait pas encore la vie. Des panneaux incitant au respect d’une distance d’au moins 1,50 m avec les autres skieurs et indiquant que le port du masque est obligatoire dans les files d’attente et sur les remontées mécaniques, ainsi que le flacon de gel hydro-alcoolique posé à côté du terminal de carte bancaire de la caisse où j’achète mon skipass, sont toutefois ici pour rappeler que le Sars Cov-2 continue de circuler.
Les autres éléments du protocole sanitaire ? Des banderoles avec des flèches et les inscriptions « 1,50 m », comme la distance à respecter dans les files d’attente. Si cette mesure peut facilement être mise en place un jour de semaine et par mauvais temps – comme c’était le cas vendredi 15 janvier – elle est complètement théorique dès lors que la fréquentation est importante, comme samedi, où la combinaison soleil et poudreuse de rêve avait attiré la foule des grands jours. À moins de mettre en place des files d’attentes s’étirant sur plusieurs centaines de mètres, il est illusoire de penser que cette distance de 1,50 m a la moindre chance d’être respectée par forte affluence.
Mais des « Covid-Angels », affublés d’un gilet orange fluorescent que ne renierait pas le personnel des autoroutes, veillent néanmoins au grain pour s’assurer que tous les skieurs portent correctement leurs masques dans les queues des télésièges les plus fréquentés, demandant aux étourdis de bien les remonter sur le nez. Une mesure finalement peu contraignante, dans la mesure où le masque fait office de tour de cou, permettant de protéger son visage du froid.
Une ambiance presque habituelle
Si les restaurants d’altitude restent fermés, on peut néanmoins manger et/ou boire un coup sur les pistes, puisque ces établissements proposent à peu près tous de la vente à emporter. Bref, une journée de ski au temps de la Covid-19 ne diffère guère d’une journée de ski lors d’un hiver normal, la qualité incroyable de la neige pendant ces deux jours, ainsi que les paysages à couper le souffle des Dents du Midi et leurs impressionnantes falaises, prenant largement le pas sur les contraintes sanitaires.
La Suisse serait-elle ce pays merveilleux où le bon sens prévaudrait, contrairement à ce qui se passe parfois chez nous ? Pas tout à fait quand même, comme nous l’a rappelé ce retraité suisse croisé sur un télésiège de Champoussin : « Depuis quelques jours, les magasins non essentiels ont dû refermer. Les loueurs de ski en station ont toutefois bénéficié d’une dérogation : ils ont le droit de proposer du matériel en location, mais pas à la vente. Alors que dans un cas comme dans l’autre, il faut bien pénétrer physiquement dans le magasin… ». Mais en attendant, les Suisses, eux, peuvent profiter de leurs domaines skiables. Souhaitons qu’il en soit de même en France avant la fin de l’hiver…
Martin Léger
Photo de une © Martin Léger