Dans la montée du col de la Colombière © Sportograf

L’Etape du Tour vue de l’intérieur

11 471 cyclistes amateurs ont participé, dimanche 10 juillet, à l’Etape du Tour, entre Megève et Morzine. Cette cyclosportive reprend le tracé exact d’une étape du Tour de France, quelques jours avant les pros (samedi 23 juillet, à la veille de l’arrivée à Paris), et dans des conditions quasi identiques, c’est-à-dire sur des routes fermées. Un journaliste d’Actumontagne faisait partie des 11 165 « finishers ». Récit.

Excitation, incertitude et confusion. Tels sont les sentiments qui animent la plupart des participants de l’Etape du Tour, à la veille du départ de cette cyclosportive XXL : 11 471 cyclistes formant un peloton de 65 km de long, issus de 62 pays (dont 27 % de Britanniques), 11 tonnes de bananes, 3,4 tonnes d’orange, 1 tonne de fromage, 66 500 tranches de pain d’épices,etc. L’excitation se mesure au coup de pédale déterminé des coureurs qui ont choisi d’aller chercher leur dossard à vélo, sur le village de l’Etape du Tour, installé à l’altiport de Megève, dont la piste d’envol a été pour le coup transformée en un parking de 4000 places ! L’incertitude, c’est celle liée aux capacités et à l’entraînement de ces milliers de cyclistes, notamment ceux qui n’ont que très rarement – voire jamais – l’occasion de rouler en montagne. Seront-ils en mesure de grimper Joux-Plane sans trop souffrir, notamment son terrible premier kilomètre, et les cinq derniers qui s’annoncent tout aussi durs ? La confusion, elle, est née d’une communication désastreuse d’ASO, l’organisateur de cette Etape du Tour. Alors que des éboulements dans la descente du col de la Ramaz ont eu lieu cet hiver- menaçant de ce fait le passage du Tour comme de l’Etape du Tour – ASO n’a pas imaginé de parcours alternatif, espérant pouvoir maintenir coûte que coûte le tracé initial. Depuis de nombreuses semaines, des rumeurs – notamment sur les forums de sites spécialisés – faisaient état de la possible suppression du col de la Ramaz, pour des raisons de sécurité.

Attente dans le sas avant le départ © Martin Léger

Ce n’est que le 4 juillet, soit 6 jours à peine avant l’épreuve, qu’ASO – en accord avec la préfecture – a informé les participants de la modification du parcours, qui ne comprenait plus que trois cols (Aravis, Colombière et Joux-Plane) au lieu des quatre initialement prévus, avec un dénivelé positif cumulé passant de 3700 à 2800 mètres. Si la très grande majorité des coureurs a parfaitement compris l’exigence de sécurité ayant conduit ASO à supprimer le col de la Ramaz du parcours (en raison du risque de chutes de pierres), beaucoup ont amèrement regretté qu’aucune communication à ce sujet n’ait été faite avant le 4 juillet, et qu’aucun parcours « bis » n’ait été envisagé, afin de maintenir un kilométrage et un dénivelé équivalents.

© Alexis Boichard – Agence Zoom

Une certaine confusion règne aussi dans les rangs de l’équipe Time-ESF à la veille de cette Etape du Tour. Née il y a quelques semaines à peine, à la suite du rachat du fabricant français de vélos Time par le groupe Rossignol, elle se compose de six moniteurs de ski (d’alpin ou de fond) : Cyril Gaillard (Méaudre), Alexandre Levet (Méribel), Olivier Girod (Bellefontaine – Jura), Benoît Paris (Les Gets), Philippe Trastour (Auron) et Simon Atkinson (La Rosière). Ce dernier, malade, n’a pas pu prendre le départ. Les cinq autres ont eu une mauvaise surprise en allant récupérer leur dossard : ils ne partiront pas dans le sas O, comme ils le pensaient, mais dans le 1. Afin de fluidifier les départs, les coureurs sont en effet répartis en groupes (sas) de 1000 coureurs, avec 7 minutes 30 secondes d’écart entre deux sas. « Bien sûr, le classement se fait au temps réel, donc en théorie on peut gagner même sans partir dans le premier sas. Sauf qu’en pratique, les bonnes roues, celles des coureurs qui jouent la gagne, se trouvent dans le sas 0. Si on n’est pas avec ces coureurs, on va perdre énormément de temps, notamment dans les parties de plaine où on roule en peloton. Il faut absolument partir dans le sas O, sinon mes objectifs de finir dans le top 20 tombent à l’eau », peste Cyril Gaillard, ancien fondeur de l’équipe de France, qui a participé aux JO de Sotchi avant de mettre un terme à sa carrière à l’issue de l’hiver 2015.

L’équipe Time – ESF © Christophe Bougault - Megève

Dès lors, c’est le branle-bas de combat pour trouver une solution. A défaut d’arriver à joindre quelqu’un chez ASO pour remédier à cette mauvaise surprise, les coureurs optent pour le système D. Ils demandent à un ami qui part dans le sas 0 de leur envoyer la photo de la pastille 0 collée sur la plaque de cadre, sésame indispensable pour accéder à ce sas 0. Photo qu’ils imprimeront ensuite –en cinq exemplaires – afin de découper la dite pastille et de la coller sur leur propre plaque de cadre ! Pour autant, cette opération ne peut s’apparenter à de la tricherie. En effet, les coureurs de cette équipe Time-ESF sont montés sur les podiums – ou en étaient tout proches – lors de la Time Megève Mont Blanc et de l’Ardéchoise, les deux cyclosportives disputées il y a quelques semaines, en préambule de l’Etape du Tour. Autant dire qu’ils méritaient sportivement de partir dans le sas 0. Malheureusement pour eux, les attributions des dossards pour l’Etape du Tour ont eu lieu avant ces deux cyclosportives. Finalement, un échange de mail tardif avec l’attachée de presse d’ASO permettra de régler le problème, et les cinq moniteurs pourront s’élancer en tête de peloton. Ouf ! Si cet épisode de la pastille peut prêter à sourire, il démontre en tout cas le souci du détail de cette équipe Time ESF. Le soin avec lequel Jean-Louis Ottobon, le coordinateur technique de l’équipe, et Benoît Paris, l’un des coureurs, étudient la carte du parcours afin de trouver LE bon endroit pour ravitailler les coureurs le lendemain atteste aussi de cette approche professionnelle des courses.

© Alexis Boichard – Agence Zoom

Le lendemain, dès le lever du soleil, les routes menant à Megève – notamment depuis Saint-Gervais ou Sallanches – sont prises d’assaut par les cyclistes. Mieux vaut en effet effectuer ces quelques kilomètres en vélo qu’en voiture, la circulation se faisant au ralenti. Accessoirement, c’est une excellente façon de s’échauffer, les premiers kilomètres de l’étape entre Megève et Flumet s’effectuant en descente, hormis une côte assez sévère de 1,5 km.
Après la longue attente dans les sas de départ (jusqu’à une heure pour ceux qui sont arrivés tôt), les premiers kilomètres de l’étape sonnent comme une libération. Certains, plutôt rouleurs, décident de partir pleine balle. D’autres, davantage typés grimpeurs, se disent qu’il est inutile de griller des forces dès le début, et que les quelques secondes perdues dans ces premiers kilomètres seront vite rattrapées dès que la pente s’élèvera.
La montée du col des Aravis, première difficulté du jour, se passe sans encombres. Les pentes n’étant jamais trop sévères, ça discute pas mal dans le peloton, dans une ambiance détendue. « Tiens, y’a le pique-nique qui arrive ! », me lance un concurrent au moment où je le dépasse, en référence à mon imposante sacoche de selle… où je ne transporte pourtant que des vêtements et du matériel de réparation ! La descente vers la Clusaz, puis la remontée vers le Grand Bornand et le col de la Colombière ne présentent pas non plus de difficultés particulières, laissant tout loisir d’admirer les magnifiques paysages qui nous entourent… sous l’œil des vaches qui broutent paisiblement, ainsi que de quelques spectateurs qui encouragent l’ensemble des coureurs.

© Sportograf

La descente du col de la Colombière, avec ses grandes lignes droites et l’absence de parapet sur le bord de la route, est vertigineuse par endroits, et demande une concentration accrue. Certains concurrents – trop présomptueux ? – ont malheureusement chuté, et la présence des services de secours à leurs côtés incite encore davantage à la prudence. Arrivé à Scionzier, dans la plaine, la chaleur commence à se faire sérieusement sentir. Les 40 km de plats qui vont suivre, pour un grimpeur qui déteste le plat comme moi, ne sont pas franchement une partie de plaisir, et ce d’autant plus que la vallée plutôt encaissée est très loin d’offrir une aussi jolie vue qu’au sommet des cols précédemment franchis. Je suis partagé entre le désir de ne pas trop perdre de temps, et celui de m’économiser en vue du col de Joux-Plane, qui s’annonce comme le gros morceau de la journée. N’ayant de surcroît pas l’habitude de rouler en peloton, j’ai du mal à trouver le groupe correspondant à mon rythme et à bien me caler dans les roues, même si j’y arrive sur les derniers kilomètres avant le village de Samoëns, qui marque le début de l’ascension de Joux-Plane.

© Martin Léger

Cette dernière ascension commence par un abominable « raidard » d’un peu plus d’un kilomètre, sous une chaleur étouffante (le thermomètre de mon compteur affiche 31 °C). Heureusement, les spectateurs sont ici plus nombreux, ce qui donne un peu de baume au cœur. Tout comme le fait de doubler pas mal de concurrents, et d’entendre des chants d’encouragement plutôt originaux, comme celui –ci : « Si tu montes Joux-Plane, t’es Superman ! ». Les bouteilles d’eau tendues par les spectateurs pour se rafraîchir sont les bienvenues. Elles ne sont toutefois pas suffisantes pour tout le monde : au fil de la montée, un nombre croissant de cyclistes s’arrêtent dans les rares endroits ombragés, voire marchent à côté de leur vélo, le temps de récupérer un peu. L’arrivée au sommet de Joux-Plane est la récompense de cette journée d’efforts. A ce moment-là, je pense que le plus dur est derrière moi. Pas tout à fait… Si la descente sur Morzine est beaucoup moins dangereuse que ce je ne craignais, cela ne m’empêche pas de crever… à 2 km de la ligne d’arrivée. J’essaie en vain de réparer mais n’y parviens pas, voyant pendant ce temps de nombreux concurrents que j’avais dépassés dans Joux-Plane me repasser devant. Rageant ! Je n’ai finalement d’autre choix que de terminer la descente avec le pneu à plat, à 10 km/h à peine, afin de ne pas risquer la chute. C’est donc un sentiment de frustration qui m’anime au moment de passer la ligne d’arrivée, cette crevaison m’ayant sans doute fait perdre près de 20 minutes, et plus de 800 places au classement.

Au sommet de Joux-Plane © Martin Léger

Les coureurs de l’équipe Time-ESF n’ont eux pas connu de déboires mécaniques. Seul petit contretemps de la journée : lors du ravitaillement qu’ils s’étaient organisés à Saint-Jeoire (à une cinquantaine de kilomètres de l’arrivée), l’un des coureurs – moniteurs, Benoît Paris, a malheureusement laissé tomber le bidon que lui tendait Jean-Louis Ottobon. Il n’a donc eu d’autres choix que de s’arrêter au ravitaillement suivant pour faire le plein d’eau, perdant quelques précieuses minutes. Ce qui ne l’empêchera pas de finir à une très honorable 209ème place. Pas mal pour quelqu’un en manque de kilomètres après avoir contracté une tendinite lors de la Time Megève. Alexandre Levet, lui aussi en manque de kilomètres, termine 529ème. Philippe Trastour (48 ans) prend lui une belle 103ème place au scratch, et une deuxième place dans sa catégorie d’âge. Cyril Gaillard n’a pas réitéré ses belles performances de la Time Megève (2ème sur le petit parcours) et de l’Ardéchoise (3ème sur le 176 km), mais termine tout de même 35ème au scratch et 25ème de sa catégorie. La palme revient à un autre trentenaire de l’équipe, Olivier Girod, 8ème au scratch (à 5 minutes à peine du podium) et deuxième dans sa catégorie d’âge. « Le bilan de cette première saison est très bon, d’autant que l’équipe a été constituée relativement tardivement. L’an prochain, nous essaierons sans doute de faire un stage de préparation d’une semaine en commun, ce que nous n’avons pas eu l’occasion de faire cette année », conclut Jean-Louis Ottobon.

Martin Léger

© Alexis Boichard – Agence Zoom

Résultats :
1. Tao Quemere, les 122 km en 3h 33 min 36 secondes
8. Olivier Girod (Time – ESF), en 3h41 min 43 secondes
35. Cyril Gaillard (Time – ESF) en 3h51 min 20 secondes
70 (1ere femme) : Edvige Pittel, en 3h56 min 38 secondes
103. Philippe Trastour (Time – ESF) en 4h00 min 15 secondes
209. Benoît Paris (Time – ESF) en 4h08 min 37 secondes
529. Alexandre Levet (Time – ESF) en 4h22 min 14 secondes
5323. Martin Léger (Actumontagne) en 5h53 minutes 15 secondes
11165ème et dernier : Robert Edge en 10h33minutes 26 secondes

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