Couleurs d’Isère

En 2021, Isère Attractivité a lancé un carnet d’inspirations à destination des hébergeurs touristiques du territoire Alpes Ishere. Un outil pédagogique très visuel qui s’accompagne d’ateliers de valorisation dans les territoires. Rencontre avec Carole Lassalle, directrice de l’agence Espuma, qui les encadre et a co-réalisé ce support réédité fin 2022.

Comment est né ce carnet d’inspirations ?
Une étude interne qu’avait effectuée Isère Attractivité montrait, qu’en dépit de la richesse de ses paysages et de ses atouts intrinsèques, la destination Isère avait besoin de faire monter en qualité son hébergement touristique et de renforcer son identité iséroise. Celle-ci est peu marquée si l’on compare l’Isère aux deux départements voisins de la Savoie et la Haute-Savoie. Suite au travail que j’avais effectué autour du guide de marque de la station des 2Alpes, Isère Attractivité m’a sollicitée pour réaliser un guide qui décrypte les identités des huit territoires isérois et inspire les hébergeurs touristiques. Alix Blavy, mon associé architecte a travaillé avec moi sur ce projet. Nous avons aussi été aidés par Aude Jonquières du service patrimoine culturel du Département pour utiliser un lexique juste et précis. Je vous donne un exemple, les tavaillons (petites tuiles de bois) s’appellent comme cela en Chartreuse, mais dans le Vercors il s’agit d’essendoles.

Ce carnet d’inspirations comprend trois parties. À quoi correspondent-elles ?
La première a une vocation plus pédagogique. Elle répertorie les codes de style de nos territoires. La seconde donne des idées d’aménagement aux hébergeurs, et enfin, la troisième, ouvre leur horizon en présentant les nouvelles tendances du secteur de l’hospitalité. Pour réaliser la première partie, nous avons sillonné les huit territoires pendant une quinzaine de jours. Un travail de fourmi qui a consisté à regarder partout et à beaucoup photographier, pour qu’au retour, lorsque l’on regarde les photos, des points saillants apparaissent et deviennent des éléments identitaires. Dans les doubles pages de cette première partie, nous n’avons conservé en moyenne que 8 à 10 photos par page, alors que nous en avons fait 300 pour chacune d’elle !

Vous avez repéré la récurrence du bleu azur ou outremer, dit bleu Guimet, de cette façon ?
Absolument. Comme l’objectif de notre travail est de développer une identité en Isère qui ne soit pas une “sous-Savoie” ou une sous Haute-Savoie, nous disons aux hébergeurs que le bleu azur est une couleur identitaire du territoire. Nous avons trouvé différentes nuances de ce bleu dans tout le territoire. Il peut faire écho au bleu présent dans le blason de l’Isère. Il peut aussi renvoyer à une autre réalité historique : c’est à Voiron au début du XIXe siècle que le bleu Guimet, un pigment bleu outremer utilisé pour la peinture et l’azurage du papier et du linge, a été inventé par Jean-Baptiste Guimet, un ingénieur en poudre et salpêtre à l’école polytechnique. Cette couleur a beaucoup plu dans les ateliers que nous avons organisés dans les territoires avec les hébergeurs. Certes, nous ne maîtrisons pas tous les contours de son histoire, mais dans un travail de singularité identitaire, le bleu fait plus sens en Isère que le rouge savoyard !

Pour l’Isère, vous privilégiez des codes de la glisse très contemporains. Pourquoi ?
Les codes de la glisse tout le monde peut les revendiquer. Dans les Savoie, ils sont nativement plus figuratifs. Ils sont aussi plus bourgeois, à l’image des chalets qui y sont cossus. Nous n’avons pas ces caractéristiques en Isère. Si vous regardez Chamrousse, Les 2Alpes, Les 7Laux ou L’Alpe d’Huez, ces stations attirent une clientèle jeune avec un esprit très marqué ride culture. L’Isère n’a pas besoin de faire du faux chalet savoyard ou du faux Heidi ! Elle peut revendiquer une image plus contemporaine avec des codes qui réinterprètent l’univers de la glisse de manière moderne et épurée. Dans nos idées inspirantes, nous détournons des objets iconiques de la glisse comme des planches de surf, des skates, des luges ou des mousquetons. De même, la construction en béton fait sens en Isère puisque c’est ici que Louis Vicat inventa le ciment moulé que l’on retrouve dans des édifices emblématiques comme la Casamaures, le garage hélicoïdal ou la tour Perret.

Faut-il un budget conséquent pour personnaliser son hébergement ?
Dans ce carnet d’inspirations nous démontrons que non ! Il faut surtout faire preuve de créativité, trouver la bonne idée et c’est ce qu’apporte aux hébergeurs ce carnet. Un exemple. Quand les gens vont en vacances à la montagne, ils pensent feu de cheminée. Tout le monde ne peut pas installer une cheminée dans un hébergement. Et bien, pourquoi ne pas mettre dans une panière des bûches de bois éclairées par une guirlande lumineuse ? L’effet est magique ! Plus simple encore : mettez un feu de bois en fond télé ! Les shopping listes que nous publions pour chacun des huit thèmes inspirants sont aussi là pour montrer qu’il y a des objets manufacturés avec une large fourchette de prix vendus dans la grande distribution ou chez des artisans isérois ou à défaut rhônalpins. Gardons en tête qu’il y a une forte attente des clientèles pour l’authenticité et le local. Cela n’empêche pas de reprendre des idées ailleurs et de les adapter. Prenez la side-window, cette fenêtre dans laquelle on s’assoit pour lire, contempler le paysage extérieur. Cet élément singulier, pas compliqué à aménager, est surtout “instagrammable” et fera parler de votre hébergement !

Propos recueillis par Sophie Chanaron