Jamais le musée accroché aux pentes du quartier Saint-Laurent à Grenoble, très attaché à la culture alpine, n’avait encore consacré d’exposition aux refuges. L’idée en revient à Jean Guibal, conservateur en chef du patrimoine, et ancien directeur du Musée dauphinois, il y a quelques années. En 2019, l’UNESCO a accordé son prestigieux label à la pratique de l’alpinisme, renforçant s’il le fallait, la pertinence d’une exposition temporaire sur cet habitat intimement lié à la conquête des sommets et à l’essor du tourisme de montagne. Cet édifice, iconique dans certains massifs, est même devenu une destination à part entière, et non plus une étape dans une ascension ou une excursion !
L’équipe du musée isérois s’est donc emparée de ce projet, en partenariat avec le service Patrimoines et Inventaire général de la Région Rhône-Alpes et l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble (ENSAG). Le premier a réalisé une campagne photographique de grande ampleur des refuges de la Région en 2015. La seconde a mené un programme de recherche sur l’architecture des refuges.
Placée sous le commissariat d’Agnès Jonquères, chargée de projets et de la communication du musée, de Jean Guibal et de son successeur Olivier Cogne, l’exposition temporaire Refuges alpins, de l’abri de fortune au tourisme d’altitude, a mobilisé de nombreux contributeurs. En particulier Jean-François Lyon-Caen, maître de conférences à l’ENSAG et grand spécialiste de l’architecture en montagne.
Le parcours conçu par le musée départemental remonte le fil de 200 ans d’histoire de ces haltes d’altitude, des premières cabanes construites avec les matériaux trouvés sur place, jusqu’aux édifices les plus sophistiquées, véritables laboratoires sur les matériaux et la construction en milieu extrême.
Au-delà des questions relatives à leur construction, le parcours aborde également les valeurs que les refuges véhiculent, notamment la convivialité, le partage, l’entraide, le respect de autres, l’humilité… La figure du gardien de refuge est évidemment abordée. Apparu au début du XXe, ce personnage est, comme l’écrivent Jean Guibal et Agnès Jonquères dans le numéro de la revue L’Alpe accompagnant cette exposition, « comme un gardien de phare en bordure d’un océan immense ». Une vigie sur la montagne et les femmes et les hommes qui la parcourent.
Un bâti devenu patrimoine
L’exposition du musée isérois n’élude pas les sujets qui fâchent, comme la conservation ou non de certains édifices emblématiques de l’âge d’or de l’alpinisme et de sa démocratisation. A l’image du refuge de l’Aigle dans le massif des Écrins ou celui du Goûter sur la voie du mont-Blanc. Ou encore, l’éternel débat entre les partisans d’un confort spartiate et ceux qui aspirent à retrouver en ces lieux haut perchés une hospitalité comparable à celle d’un hôtel.
L’enjeu environnemental, dans ce milieu montagnard parmi les plus impactés de la planète, en particulier la haute altitude, est bien évidemment évoqué, à travers notamment les nouvelles technologies. Elles permettent de rendre les refuges plus frugaux en énergie et en eau.
Ne manquez pas les visites de la maquette du premier refuge de l’Aigle, réalisé par les élèves de la Fédération compagnonnique des Métiers du Bâtiments à Échirolles (38) et celle du prototype du fameux refuge du Tonneau. Imaginée par Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret en 1938, cette construction ingénieuse, démontable et portable à dos d’homme, n’a jamais été construite. Exceptionnellement prêté par l’association haut-savoyarde qui l’a construit, ce prototype est installé sur l’une des terrasses du musée. Un look de soucoupe volante prête à décoller qui intrigue bien des passants depuis les quais de l’Isère !
Exposition au Musée dauphinois jusqu’au 21 juin 2021. Tous les jours sauf le mardi. Entrée gratuite. Et toujours en parallèle, les expos temporaires L’ivresse des sommets. Eaux-de-vie, liqueurs et autres breuvages des Alpes et Rose Valland. En quête de l’art spolié.