Créée à Val d’Isère par Luc Reversade il y a près de 50 ans, la Folie Douce compte huit hauts lieux de l’après-ski festif dans les Alpes françaises. Avec la crise sanitaire, ils sont tous à l’arrêt. L’entreprise profite de cette période inédite, pour se réinventer côté restauration, son cœur de métier. Les explications d’Artur Reversade, l’un des deux fils du fondateur, aux commandes opérationnelles de cette success story savoyarde.
Actumontagne : Comment est née l’idée de plats à emporter et d’une épicerie Folie Douce aux Arcs ?
Artur Reversade : C’est l’expression de notre agilité et de notre volonté de garder continuellement notre bonne humeur, mais également de fédérer les équipes face à cette crise sanitaire, économique et sociale. Pour nos huit établissements (CA 2019 : 45 M€), qui font travailler 700 personnes l’hiver, c’est une saison blanche, avec 20 mois de non-exploitation. Lors du premier confinement, nous étions optimistes pour la saison d’hiver 2020-2021. Nous savions que nous ne pourrions pas ouvrir la partie festive de nos Folie Douce. Nous nous étions donc concentré sur la restauration. Elle représente 2/3 de notre chiffre d’affaires.
Actumontagne : Pour vous adapter au contexte et aux restrictions administratives, vous avez donc multiplié les initiatives côté restauration ?
AR : Après le premier confinement, nous avons décidé d’augmenter la capacité d’accueil en places assises de nos restaurants pour cette saison, et même d’en ouvrir un nouveau, italien, annexé à la Folie Douce de Val d’Isère. Nous entendions partout “il faut se réinventer”, “faire preuve de résilience”. Un discours qui me parle, d’autant plus que je suis de nature entreprenante. En pleine crise sanitaire, notre entreprise familiale s’est donc activée, alors que beaucoup fermaient le robinet. Nous avons recruté un super chef italien et une brigade 100% transalpine pour créer la Cucucina. Son décor spectaculaire retrace l’histoire de la Savoie lorsqu’elle appartenait à l’Italie. Tout l’automne, nous avons formé l’équipe et nous étions confiants. Hélas, ce nouveau restaurant (Ndlr : dont l’investissement avoisine les 3M€), n’ouvrira probablement pas avant l’hiver 2022.
Actumontagne : Vous ne semblez pas abattu malgré tout ?
AR : On essaye de se réinventer pour motiver les équipes. Nous préparons actuellement la création de l’Académie culinaire. Notre chef exécutif Franck Mischler et les chefs de chaque Folie Douce vont se retrouver pour élaborer un protocole de formation permettant pendant une semaine de former tous les jeunes cuisiniers des brigades -chef de partie, second chef de partie, commis-,aux recettes emblématiques de la gastronomie française qu’ils connaissent au fond assez peu. Faute de pouvoir faire la saison, nous formons notre personnel. J’y vois plusieurs intérêts : remonter le moral des équipes, les souder et étoffer leur culture culinaire.
Actumontagne : Pourquoi ce concept d’Épicerie Folie Douce ?
AR : L’été dernier, avec le chef exécutif, nous avons parcouru la France pour choisir les producteurs de la carte hivernale 100% française que nous devions proposer cette saison. Pour honorer les engagements pris auprès des producteurs locaux et diversifier notre offre de restauration, nous avons décidé de permettre aux clients d’emporter un peu de Folie Douce chez eux conditionnée dans un bocal en verre Le Parfait. Nous avons investi dans une boutique à Arc 1800, où une trentaine de recettes gourmandes sont vendues, ainsi que des produits d’épicerie fine sélectionnés par le chef Franck Mischler. Nous démultiplions actuellement les points de diffusion de nos bocaux chez des artisans amis, comme la pâtisserie Chevallot à Val d’Isère, l’épicerie fine Les Trois Bô à Courchevel ou la coopérative de Bourg-Saint-Maurice.
Actumontagne : Aujourd’hui qu’attendez-vous des autorités ?
AR : Nous sommes des professionnels de la restauration, de l’hôtellerie et de l’entertainment, pas des spécialistes du Covid-19 ! Nous nous en remettons aux autorités, nous suivons les directives. Notre souhait est de travailler et de recommencer le plus tôt possible notre activité. En amont de la saison d’hiver, la ministre du Travail nous a enjoint d’embaucher nos personnels pour les protéger avec le chômage partiel. Mais elle a oublié que nous logions aussi nos employés ! Nous louons quelque 350 appartements en saison ! Nous en avons rendus une partie seulement. Ces appartements n’appartiennent pas à des grandes foncières parisiennes, mais à des bailleurs qui sont souvent des petits investisseurs que l’on met ainsi en difficultés. Nous voulons que les autorités comprennent la spécificité de l’écosystème montagnard, dont chaque acteur dépend de l’autre. Et qu’elles adaptent les aides à la hauteur de la crise qui nous frappe.
Actumontagne : Si la situation sanitaire s’améliore, allez-vous ouvrir des établissements l’été prochain ? Des projets de création ailleurs dans les Alpes ?
AR : Nous projetons de rouvrir notre Folie Douce de Chamonix le 4 juin prochain. Nous envisageons aussi très sérieusement d’exploiter la Folie Douce des Arcs l’été prochain. Le site est très facilement accessible car proche du front de neige d’Arc 1800. Ce sera une Folie Douce revisitée, très familiale, avec autour du site, des activités sportives gratuites pour les enfants. Sinon, pas de nouvelle ouverture prévue en France à court terme. Nous avons plutôt envie d’aller à l’étranger, en Italie, en Suisse, voire aux Etats-Unis…