Après huit ans de fermeture et quatre années de travaux colossaux, le Musée Savoisien, dont la ville de Chambéry a confié la gestion au Département de la Savoie en 2012, rouvre ses portes aux visiteurs ce 29 avril. L’ancien couvent franciscain du 13e siècle est totalement métamorphosé, comme la présentation des collections qui mettent en lumière la longue et somme toute méconnue histoire de la Savoie et de ses cultures.
L’exposition, riche de 2200 objets, se déploie sur plus de 2000 mètres carrés, dans une scénographique moderne -40 équipements multimédias !-, et épurée, conçue comme un FabLab. Tous les publics trouveront dans ce lieu en accès libre, matière à approfondir leurs connaissances de ce territoire alpin, du Paléolithique jusqu’à nos jours.
C’est désormais par la place Métropole, au centre de la ville de Chambéry, que les visiteurs entrent au Musée Savoisien, après sa refonte de grande ampleur voulue par le Département. Un changement qui est tout sauf anodin, puisqu’il permet à ce site culturel labellisé Musée de France, de s’ouvrir sur le cœur battant de la cité et d’inciter habitants et visiteurs à en pousser plus spontanément les portes. L’ancienne entrée va faire l’objet d’un autre chantier, centré sur le remodelage des jardins.
Dès leur entrée, les visiteurs sont accueillis par les fameuses peintures de Cruet, retrouvées en 1985 lors de travaux au château de la Rive dans la Combe de Savoie. Elles sont les pièces maîtresses des collections du musée qui bénéficient d’un espace en majesté. Une passerelle surplombant l’accueil, permet d’admirer au plus près cette « BD » du Moyen-Age sur la vie seigneuriale et l’idéal chevaleresque.
Six thématiques explorées et illustrées
Le parcours muséographique a été entièrement repensé. Oubliée l’ancienne présentation qui remontait à la fin des années 80 et qui était datée ! La nouvelle s’articule autour de six thématiques : Pouvoir et territoire, population et circulations, S’habiller, Croire, Ressources et alimentation, et enfin Habitat, dont les propos s’appuient sur une sélection de 2222 objets qui vont pour les plus fragiles, notamment les textiles, tourner pour les préserver. Tous les objets s sont issus d’un important programme de restauration, comme celle d’une pirogue carolingienne sortie des eaux du lac du Bourget ou de 36 portraits sur 63 de la Maison de Savoie exposés dans l’escalier d’honneur. Les objets proviennent également d’acquisitions, à l’image de ce diptyque de Charlotte de Savoie (1441-1483) acheté à Londres par l’institution, ou encore de dons récents de particuliers.
Un lieu culturel interactif, vivant et ouvert
S’il y a beaucoup à voir, à regarder, à écouter, il y a aussi beaucoup à toucher et à expérimenter dans ce nouveau Musée Savoisien. L’équipe a prévu de nombreuses animations tout au long de l’année pour en faire un lieu vivant et animé à destination de différents publics. Une visite en français sous-titré et en langue des signes est proposé en partenariat avec l’Institut des jeunes sourdes de Cognin. De même, pour le public malvoyant, des maquettes tactiles et une touchothèque textile sont à disposition.
Pour prendre la mesure des collections présentées, profiter du calme des lieux et notamment du cloître, il faut venir et revenir sans modération, puisque le musée est gratuit. Une volonté d’Hervé Gaymard, président du Département, dès le départ de ce projet. « Je voulais faire un musée ouvert à tout le monde, vivant, absolument pas élitiste, dans l’esprit de la création du ministère de la Culture par André Malraux et donc gratuit, principe adopté à l’unanimité par l’Assemblée départementale », souligne l’élu, visiblement satisfait de la transformation du « Savoisien », voulu à l’origine par Pantaléon Costa de Beauregard (1806-1864), premier président du Conseil général de la Savoie en 1860.
Également président de l’Académie de Savoie, cet artisan de la réunion de la Savoie à la France, dont un buste en bronze prêtée par le musée des Beaux-Arts de Chambéry, se trouve dans l’une des galerie du cloître (photo ci-contre), mourra avant son ouverture, en 1913, dans l’ancien évêché. Ce musée historique et archéologique national qu’il appelait de ses vœux pour le dernier des territoires français, « devait rassembler les souvenirs de son histoire et les monuments de son passé. Il n’est rien de plus intéressant et de plus instructif que ces collections provinciales où l’homme qui aime son pays et qui veut le connaître, peut étudier sur des documents authentiques l’origine, les croyances, les mœurs, l’industrie et la vie intellectuelle des générations qui l’ont précédé ».
« Le public va découvrir un musée d’exception, résultat de trois chantiers inédits, auxquels s’ajoutent plusieurs campagnes de fouilles et la parenthèse Covid », rappelle Hervé Gaymard. « L’inventaire des collections -100 000 objets répertoriés-, le nouveau projet muséal des deux départements savoyards, et enfin la rénovation de l’ancien bâtiment par le groupement d’architectes de Pascal Prunet et Adeline Rispal ».
Une tête de réseau des musées savoyards et alpins
Le Musée Savoisien, lieu de savoirs, de réflexion, de transmission et de partage, est conçu comme une tête de réseau des musées savoyards et alpins, auxquels s’ajoutent le musée virtuel en ligne depuis le 25 avril, avec ses 100 000 œuvres et objets numérisés et consultables à l’envi. « En cette période où le « commun » de notre destin est de plus en plus difficile à trouver, « donner à aimer la Savoie » est devenue une simple, mais impérieuse nécessité, pleinement satisfaite grâce au nouveau Musée Savoisien, qui allie le patrimoine, la vie, et la construction de l’avenir », a conclu Hervé Gaymard lors de l’inauguration de ce nouvel équipement culturel, dont la seconde jeunesse (25M€) a été financée par le Département, avec le concours de la Région (4M€) et l’État (3,5M€).
Objets iconoclastes
Marie-Anne Guérin est la conservatrice en chef du patrimoine et directrice du Musée Savoisien. C’est elle, qui pendant huit années, avec ses équipes, a porté le chantier de la rénovation, amorcé dès la fermeture de l’établissement fin 2014. Un travail colossal, ponctué de nombreuses étapes et rebondissements, qu’elle referait sans hésiter ! « Cette aventure est une chance professionnelle, mais elle en est une aussi pour les Savoyards ». Tout en reconnaissant que ce fut long, laborieux en raison de la complexité du bâtiment et des quelques mauvaises surprises, obligeant à refaire des calculs de charges et à repousser l’ouverture à plusieurs reprises, « le travail est fin, beau, élégant ». Et pertinent. « Nous offrons une nouvelle proposition scientifique, historique et culturelle au public, simple, puisqu’il s’agit de l’histoire de la Savoie du Paléolithique jusqu’à nos jours, mais complétée par des thèmes abordés avec de la profondeur de champ pour rendre au territoire son histoire riche, complexe, et méconnue ». Celle-ci ne se résume pas à l’Annexion ou aux anciens états de Savoie !
Le volet sur le tourisme, avec la reconstitution d’un appartement de Charlotte Perriand aux Arcs, est l’un des nouveaux passages obligés du parcours de visite. Qui fait parfois des pas de côté. L’humour pointe en effet par petites touches, à l’image de cette collection de 98 chalets miniatures, évoquant ce type d’hébergement très prégnant dans l’imaginaire montagne des touristes comme des Savoyards. Ou ce dispositif ludique qui permet de se prendre en photo dans la tenue d’un membre de la Maison de Savoie. Il n’y a pas que les enfants qui vont se prendre au jeu !
