Une page s’est tournée le 12 avril dernier à La Toussuire, avec la pose symbolique de la première pierre de la résidence de tourisme L’Alpaga. Celle-ci ouvrira en décembre 2020 en lieu et place du Dahut, centre de vacances à deux pas du front de neige de la station des Sybelles. Exploité par CGH, le futur établissement est le fruit d’un montage financier inédit en montagne.
La construction va être lancée par un fonds d’investissements et encadrée par une convention loi Montagne conclue au profit de l’exploitant de remontées mécaniques. La garantie d’une affectation locative à long terme. Ensuite, cet hébergement touristique devrait être cédé en bloc à la SCPI Pierre Altitude, en faisant appel public à l’épargne, notamment local.
Cheville ouvrière de ce nouveau montage, Savoie Stations Ingénierie Touristique (SSIT), société d’économie mixte détenue à 74% par le Département de la Savoie. Cette dernière milite depuis plusieurs années auprès des acteurs de la montagne pour imaginer de nouveaux dispositifs financiers favorisant la création et la requalification de résidences de tourisme en montagne. Depuis la fin des dispositifs fiscaux incitatifs (comme le Censi-Bouvard), leur construction s’essouffle, et les lits de celles existantes sortent du marché locatif au terme des baux (les fameux lits froids). « Sur les cinq dernières années, près de 7000 lits ont été perdus en montagne, soit 2,5% de la capacité d’accueil professionnelle », déplore Pascal Vie, directeur de SSIT.
Pour inverser la tendance, la société d’économie mixte présidée par Michel Bouvard, encourage les exploitants de remontées mécaniques à s’engager dans le financement de l’immobilier de loisir, prenant en exemple à la fin des années 80, l’expérience réussie en la matière de la Setam, l’exploitant des remontées mécaniques de Val Thorens, dont SSIT était au capital. Face à la crise de l’immobilier d’alors, l’opérateur des 3 Vallées avait investit lui-même dans des programmes d’hébergements durables pour soutenir le développement de la station, aujourd’hui, l’une des toutes premières au monde.
Mobiliser l’épargne publique locale
C’est ainsi qu’est née à l’automne dernier, la SCPI Pierre Altitude, fondée par SSIT, Sofival, Maulin.ski, Labellemontagne, SAS, MMV… et la Caisse d’Épargne Rhône-Alpes (Cera). Gérée par Atream, propriétaire de 120 murs d’hôtels et de résidences de tourisme en France et en Europe, sa vocation est d’investir exclusivement en montagne, en sollicitant l’épargne publique, et notamment celle des locaux. « Les bénéficiaires directs ou indirects de ces investissements vont pouvoir contribuer à l’économie de leur territoire », se félicite Michel Bouvard, rappelant qu’à La Toussuire, c’était c’est une tradition. « Des familles de La Toussuire ont eu le courage avec la création des Sybelles aux côtés de Gaston Maulin, d’abandonner les dividendes qu’elles auraient pu toucher pour remettre au pot et réinvestir dans le développement local. Nous n’avons pas eu affaire à une génération de rentiers, mais à une génération de bâtisseurs qui se prolonge ici ».
Un tour de table local
L’Alpaga, opération à 21 millions d’euros, s’inscrit dans la même démarche de dynamisation de l’investissement touristique. Elle pourrait donc être l’une des premières acquisitions de cette SCPI 100% montagne. Celle-ci interviendra une fois la période de construction et d’exploitation de un à trois ans achevée. Cette période d’amorçage est financée à hauteur de 95% par le fonds d’investissement Hôtel Résidence Développement, géré par Atream également, et accompagné par la Soremet, l’exploitant des remontées mécaniques de La Toussuire et SSIT.
« Ce montage financier est inédit en montagne, mais il est aussi une grande première pour notre entreprise », souligne Gilles Buisson, pdg de la Soremet. « Depuis 1972, année de la fondation de la Soremet, nous n’avions investi que dans les remontées mécaniques, jamais dans la pierre. « Quand j’ai pris mes fonctions en 2013, il restait environ 1400 lits à construire à La Toussuire. À l’époque, je m’étais dit qu’il fallait influencer le système pour les garder chauds, en investissant éventuellement à minima dedans. Je n’avais pas imaginé que nous participerions à un dispositif aussi vertueux que celui expérimenté avec l’Alpaga, profitable pour notre activité d’exploitant et pour toute la station ».
CGH étoffe son catalogue en Maurienne
Le futur établissement, géré par CGH, fonctionnera hiver comme été. « Il comptera 84 appartements (soit plus de 634 lits touristiques) de catégorie quatre étoiles et sera équipé d’un espace récréatif de 800 m² environ, comprenant notamment une piscine intérieure, des clubs enfant, un espace bien-être et un centre spa et massage ouvert à la clientèle extérieure sous notre enseigne O des Cimes », détaille Yanick Davière, président de CGH, ravi de cette nouvelle destination en Maurienne en plein essor, la deuxième après Val Cenis.
La députée de la circonscription Émilie Bonnivard, rapporteure à la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, est ravie que la capacité d’innovation des acteurs savoyards. « Ce projet s’inscrit dans la continuité du modèle savoyard et s’inspire aussi du modèle autrichien de station intégrée. Il met en effet autour de la table des investisseurs locaux, directement intéressés par le fait que ces lits de qualité soient durablement marchands. En effet, avec l’encadrement par une convention loi Montagne, nous avons l’assurance de lits locatifs longue durée avec un gestionnaire spécialisé offrant de nombreux services à la clientèle, résidente et extérieure ».
Un projet innovant à dupliquer
Représentant l’ANEM (Association nationale des élus de la montagne) au comité stratégique du tourisme de montagne, présidé par le secrétaire Jean-Baptiste Lemoyne, l’élue de Maurienne souhaite que les acteurs du projet de La Toussuire, et en tête SSIT, avec Pascal Vie en chef d’orchestre, soit auditionné pour présenter ce modèle et voir comment l’État peut l’accompagner pour qu’il essaime en montagne.