Il y a plus d’un an, le Crédit Agricole des Savoie (CADS) lançait une démarche collective mobilisant de nombreux acteurs du territoire, privés et institutionnels, des clients, mais aussi des collaborateurs et des administrateurs, pour plancher sur un tourisme plus responsable et durable dans les Savoie. Objectif, définir les futurs désirables de cette activité économique autour des trois piliers de la RSE, l’économie, l’humain et la planète.
De cette contribution, accompagnée par l’agence Poprock, sont nées plusieurs actions concrètes. « Une grille de cotation pour analyser les projets d’investissement qui nous sont soumis afin retenir ceux s’engageant sur les trois piliers de la RSE », explique Laurent Bennet, directeur général du CADS. « Nous avons réservé 100 M€ de fonds propres pour des prises de participation dans des projets en accord avec les futurs désirables pour les dix prochaines années et créé un fonds de dotation avec les conservatoires d’espaces naturels des Savoie de 90 000€ par an (7 projets aidés en année 1, ndlr) ».
La caisse régionale du Crédit Agricole s’est aussi engagée dans la décarbonation des déplacements de ses collaborateurs, avec la mise à disposition de 700 vélos à assistance électrique. Enfin, dernière action concrète en date, présentée devant un parterre d’acteurs du tourisme savoyard ce 26 septembre, l’élaboration d’un outil analytique pour éclairer les enjeux, aider au pilotage des engagements des acteurs de la filière et mesurer les avancées dans la transition vers un tourisme plus vertueux.
Une trentaine d’indicateurs éclairants
Baptisé l’Observatoire du tourisme désirable des Savoie, il a été élaboré avec le cabinet G2A Consulting. Il compte une trentaine d’indicateurs qui s’appuient sur plus de 150 bases de données, explorant les datas jusqu’à l’échelle communale. Dans sa première livraison, cet outil de mesure livre plusieurs chiffres connus qu’il a le mérite de rappeler, soulignant la fragilité du tourisme savoyard : 80% des établissements touristiques ont une activité économique sur une seule saison, 67% des stations sont situés entre 900 et 1500 mètres d’altitude, 56% des dépenses chez les commerçants du territoire proviennent du tourisme (en hiver, c’est 62%), 30% des activités touristiques sont réalisées hors hiver, 1/4 de l’activité touristique annuelle des deux départements est concentrée en Tarentaise, les moins de 18 ans représentent 19% de la clientèle touristique, 39% des logements du territoire sont des passoires thermiques (DPE F ou G)…
Des indicateurs originaux
L’observatoire a aussi concocté des indicateurs originaux particulièrement éclairants. « Nous avons réfléchi à beaucoup d’indicateurs et nous en avons créés certains, comme celui calculant combien de nouveaux habitants génère chaque hectare artificialisé sur une période donnée », précise Denis Maurer, président de G2A Consulting. Ainsi, l’observatoire montre que dans la bassin annecien, les 99 hectares artificialisés entre 2013 et 2018 ont permis d’accueillir 22 habitants supplémentaires par hectare. En revanche, dans les zones de montagne très touristiques l’hiver, ce mouvement démographiquement favorable, ne se vérifie pas. L’artificialisation des sols n’a pas contribué à l’accueil de nouveaux habitants. En Haute-Tarentaise, par exemple, où 13 hectares ont été artificialisés sur la période 2013-2018, le territoire compte 9 personnes en moins par hectare. En Maurienne, où 34 hectares ont été artificialisés, on dénombre 4 habitants de moins par hectare ! D’où l’urgence d’accélérer la reconquête des habitants permanents en montagne, pour maintenir une vie locale dynamique. Il sera intéressant de voir si les initiatives prises par les élus et opérateurs pour inverser la tendance, sinon ralentir l’hémorragie démographique, fonctionnent ou pas.
L’observatoire a aussi construit un autre indicateur intéressant. Il mesure le coût carbone d’une nuitée par touriste. Pour un touriste français il est en moyenne de 12 kg équivalent Co2/nuitée, alors qu’il flirte avec les… 50 kg équivalent Co2/nuitée pour un touriste étranger ! Certains rappelleront que sur place, ce dernier dépense actuellement nettement plus qu’un vacancier français (155€ par jour contre 97€), mais, avec cet indicateur et face au réchauffement climatique, à quel prix environnemental, sauf à mettre le paquet dans la décarbonation du transport. Ce dernier représente encore 57% des émissions du tourisme hivernal.
Cyril Gouttenoire, directeur du pôle Tourisme du CADS pour quelques jours encore -il va prendre les rênes de Crédit Agricole Alpes Développement (filiale du CADS et de CASRA) et être remplacé par Lionel Gruffat, en charge du pôle Territoire-, a porté ce projet d’Observatoire du tourisme désirable des Savoie. Pour lui, il va servir de boussole aux acteurs du territoire pour les aider à construire un nouveau modèle touristique respectueux de son milieu naturel et des populations qui l’habitent et qui le visitent.
L’observatoire est à télécharger ici