La transformation en méthane du lactosérum, ou petit-lait, issu de la production du formage beaufort est désormais opérationnelle au groupement pastoral de Plan Pichu, sur les hauteurs d’Aime-La-Plagne. Une première en alpage, où ce résidu organique constitue un vrai casse-tête. Sa valorisation énergétique sur place pérennise la fabrication du “prince des gruyères” dans ce haut lieu du pastoralisme savoyard.
Il y a une dizaine d’années, l’Union des producteurs de Beaufort -600 producteurs environ- a décidé de se réapproprier son lactosérum, en construisant à Albertville une unité dédiée à sa valorisation, alimentée par neuf coopératives du territoire. Savoie Lactée était née ! La création de cette entreprise a mis un terme au transport coûteux et peu écologique de ce résidu le transformant en poudre de lait, en ricotta et en beurre. Les résidus du petit lait, associés eaux de lavage, alimentent également son unité de méthanisation, dont le biogaz permet de produire de l’électricité et de chauffer l’eau.
430 vaches laitières et 300 génisses
Cette valorisation énergétique du lactosérum est désormais transposée à Plan Pichu, à plus de 1500 mètres d’altitude, par le groupement pastoral éponyme, avec l’appui technique de Savoie Lactée. Une première en alpage où l’épuration de ce déchet est un défi environnemental, logistique et économique ! “Il y a 20 ans, nous avions déjà innové avec le lombricompostage, mais cette solution n’est pas totalement satisfaisante et notre installation arrivait en fin de course”, explique Didier Simon-Chautemps, le président du groupement pastoral. Ce dernier réunit onze exploitations, dont les 430 vaches laitières (+300 génisses) sont réparties en trois troupeaux. Ils pâturent l’été sur 1200 hectares de prairies alpines, garde-manger foisonnant et goûteux se déployant entre 1600 et 2600 m d’altitude.
Un biogaz local
“Le projet de la valorisation énergétique du lactosérum était dans les esprits depuis plusieurs années, avec les exemples réussis de Savoie Lactée et de la fromagerie des moines de l’abbaye de Tamié. Elle a été décidée en mars 2021, avant la guerre en Ukraine et l’envolée des prix du gaz, une aubaine pour nous”, se félicite Didier Simon-Chautemps. Les bactéries, fournies au départ par Savoie Lactée, vont permettre de dégrader et transformer en biogaz les 550 000 litres de petit-lait générés par la fabrication du Beaufort d’été à Plan Pichu. Ce gaz issu de la méthanisation se substitue au gaz propane pour chauffer les 8000 litres d’eau nécessaires à la montée en température du lait dans les cuves à fromages, au lavage du matériel (boules à lait, cuves…) et au confort des douze salariés présents à Plan Pichu, de mi-juin à fin septembre.
Produisant depuis 1992 sa propre électricité à partir d’une microcentrale hydroélectrique, Plan Pichu s’affranchit désormais presque totalement du gaz -l’ancienne chaudière est conservée en secours- pour son atelier. Tout en solutionnant le traitement de ses effluents polluants. Grâce à l’innovation, la tradition de la fabrication du beaufort en alpage, typique du modèle agropastoral savoyard, est sauve !
Sophie Chanaron
1M€
C’est le montant qu’a investi le groupement pastoral de Plan Pichu pour moderniser ses installations et notamment s’équiper d’une unité de micro-méthanisation couplée à une chaudière au biogaz.
Une poudre de lait agréée pour les bébés
Après plusieurs années d’efforts, la poudre de lait fabriquée à Savoie Lactée vient enfin de recevoir son agrément pour l’alimentation infantile, un marché stratégique, qui s’ajoute à la niche prometteuse des compléments alimentaires pour sportifs. “Des projets vont également démarrer avant la fin de l’année dans le domaine de l’alimentation des seniors pour prévenir ou lutter contre la dénutrition”, indique Pierre-Alexandre Vernerey, directeur de l’entreprise.