Alors que l’on est dans la dernière ligne droite de la saison hivernale 2021-2022, l’heure est au premier bilan. Après deux ans d’absence pour cause de pandémie, c’est à nouveau Ski Debrief qui a la primeur de l’exercice. Le rendez-vous de la filière touristique montagne, orchestré par l’Union Sport & Cycle (USC), a fait son grand retour les 4 et 5 avril à La Plagne, reprenant le flambeau à Val d’Isère.
Les chiffres donnés par les différents protagonistes -l’USC, l’Association des maires des stations de montagne (ANMSM), Domaines Skiables de France, (DSF), les ESF, Nordic France- ne sont pas encore consolidés, mais ils révèlent une saison dans la droite ligne des dernières avant Covid-19. Donc bonne, voire très bonne pour certains acteurs du tourisme montagne, et surtout au-delà des espérances d’avant-saison, après deux ans de crise sans précédent. “Nous sommes passés de l’obscurité à la lumière”, a résumé Vincent Rolland, co-président de Savoie Mont-Blanc, soulignant comme tous les invités, la résilience de la destination et sa capacité à rebondir.
Une activité exceptionnelle dans les commerces
Pour autant, comme l’a rappelé Julien Gauthier, vice-président de l’USC, qui annonce un chiffre d’affaires des magasins de montagne en progression de… 18% par rapport à 2019, ainsi qu’un panier moyen en hausse, “nous avons été sur le fil du rasoir toute la saison”, avec même la crainte d’une nouvelle fermeture des domaines skiables, au pic de la cinquième vague de Covid-19.
L’éco-système montagnard a dû en effet composer avec une succession de difficultés : problème inédit de recrutement des saisonniers, flambée du variant Omicron, désorganisation des équipes avec la multiplication des absences liées aux arrêts de travail pour cause de cas contact ou de Covid, absence des Britanniques en début de saison, et pour finir, la guerre en Ukraine et ses conséquences sur les prix de l’énergie.
Augmentation à prévoir pour les forfaits de ski
Si ce dernier événement a eu semble-t-il peu d’effets sur l’activité, en revanche il augure d’un avenir plus sombre pour les sports d’hiver. En particulier parce qu’il entraîne une explosion des coûts des matières premières et de l’énergie, très préjudiciable pour les exploitants de domaines skiables, inquiets sur leurs capacités d’investissement. Et ils ne pourront à priori pas compter sur les collectivités, leurs principaux soutiens financiers, celles-ci s’alarmant, par la voix de Jean-Pierre Rougeaux, secrétaire général de l’ANMSM et maire de Valloire, de n’avoir toujours pas reçu les indemnisations promises par l’État pour compenser les effets de la crise sanitaire. Yves Dimier, président de la commission communication et économie de DSF a d’ailleurs confirmé, que compte tenue de l’inflation, le prix des forfaits de ski augmenterait en moyenne de 5% l’hiver prochain.
Le ski alpin retrouve son rang
Dans un climat tout sauf serein, les socio-professionnels ont été heureusement rassurés par le constat que l’envie de ski (alpin) était toujours là. L’occasion une nouvelle fois pour Jean-Luc Boch, le président de l’ANMSM et maire de La Plagne Tarentaise, de redire que le bilan positif de l’hiver 2022 “montre à ceux qui nous rabâchaient l’an dernier qu’il fallait tout changer, que ce qui attire en station, c’est d’abord le ski alpin”.
Selon DSF, la fréquentation des domaines skiables a progressé de 1% à mi-mars par rapport à la moyenne des trois derniers exercices hors Covid. Sur les seules vacances d’hiver, elle a même grimpé à 4%, avec quatre semaines de fort trafic sur les pistes. Un appétit pour le ski alpin qui se traduit dans les écoles de ski, qui ont fait elles aussi le plein. Eric Brêche, président du Syndicat National des Moniteurs des Écoles du Ski Français estime entre 0 et +10% l’évolution de l’activité selon les écoles, notant l’accélération de la digitalisation des ventes de cours de ski (+36% des inscriptions via le site Internet) et l’augmentation sensible des cours particuliers. Et notamment en janvier, un mois traditionnellement calme.
Parmi les explications, l’arrivée d’une nouvelle clientèle de 20-30 ans, originaires des grandes métropoles françaises, skieurs débutants, adeptes des cours séjours. Effet d’aubaine face à la situation géopolitique et sanitaire ou tendance lourde d’un attrait pour la montagne considérée comme la destination tendance ? Il faudra attendre le retour à la normale pour tirer des conclusions. Mais incontestablement, les campagnes de communication massives sur les réseaux sociaux, pour attirer ces jeunes citadins jusqu’ici davantage tentés par un week-end à Barcelone, ont payé.
Le ski nordique confirme
Le retour en force du roi ski alpin n’a pas empêché le ski nordique de continuer sur sa lancée de l’hiver dernier, sa meilleure saison de tous les temps, avec près de 20M€ de redevances, alors que la moyenne des cinq hivers précédents s’établissait à 10M€. “2022 est notre deuxième meilleure saison historique”, s’est félicitée Marine Michel, présidente de Nordic France. Selon l’association, le ski nordique a encore engrangé quelque 13M€ de recettes cet hiver, la preuve d’un engouement… de fond pour cette glisse nature, sport complet par excellence, en phase avec les attentes sociétales de santé et de bien-être.
L’hébergement retrouve également des couleurs, dans la veine de celles du monde d’avant Covid 19. A l’exception notable des résidences de tourisme et club vacances (-4%). Des formats collectifs visiblement jugés par les vacanciers comme plus à risque face à l’épidémie, que les hôtels ou les meublés, en hausse de 10%. “Tous massifs confondus, le taux d’occupation s’élève à 62,2%, soit +0,5% par rapport à l’hiver 2019-2020”, annonce Patrick Provost, maire de Saint-François-Longchamp, et président de l’Observatoire des stations de montagne de l’ANMSM. Pour les Alpes du Nord, il atteint 64%, soit +0,2%.
Les réservations d’avril, plutôt bien orientées de l’avis des acteurs du tourisme hivernal, devraient faire évoluer à la marge le bilan provisoire de la saison dressé à Ski Debrief. Mais avec le retour des conditions hivernales cette semaine, le printemps à la montagne pourrait dépasser les prévisions. L’hiver 2022 est surprenant à plus d’un titre pour reprendre l’expression employée par Marine Michel, alors pourquoi ne pas parier sur une nouvelle bonne surprise dans une actualité préoccupante ?