En Val d’Arly et au Pays du Mont-Blanc, quelque 300 éleveurs, soutenus par les coopératives, s’investissent dans le développement de l’abattoir de Megève pour promouvoir davantage les viandes locales dans les assiettes des restaurants, des cantines et des particuliers. En jeu, le maintien de l’agriculture en montagne, mais aussi une consommation alimentaire plus saine, plus durable et plus respectueuse du bien-être animal.
La crise sanitaire du coronavirus a encore renforcé l’engouement des consommateurs pour le locavorisme ! Fromage, fruits et légumes, mais aussi viande du territoire vendus en circuits courts ont le vent en poupe. “Pendant le confinement, le chiffre d’affaires de notre rayon viandes a progressé de 30%”, témoigne ainsi Philippe Bouchard, directeur de la coopérative du Val d’Arly, qui constate aussi une envolée des commandes sur Internet de ce produit ultra-frais.
La coop de Flumet distribue dans ses cinq magasins la marque Saveurs de nos montagne, issue de l’abattoir de proximité de Megève. Une structure associative portée par les éleveurs eux-mêmes et les coopératives agricoles de la région. Un outil d’abattage et de découpe à taille humaine, le seul multi-espèces de Haute-Savoie. “L’abattoir de Megève produit en un an ce qu’un abattoir industriel réalise en une semaine !”, indique Jean-Jacques Terrand, son directeur.
Un cahier des charges inspiré des AOP fromagères
Fermé en 1989 et rouvert en 2013 par la volonté des acteurs publics (commune de Megève, Département, Région) et privés du territoire, cet abattoir local est indispensable à la pérennité d’une filière viandes en circuit court en Pays de Savoie. Cette filière s’est dotée d’un cahier des charges calqué sur celui des AOP fromagères qui ont fait le succès du Beaufort et autre reblochon. Les animaux proviennent exclusivement d’exploitations des deux Savoie. Ils sont élevés en zone de montagne et mangent essentiellement du foin en hiver et de l’herbe pâturée des alpages savoyards en été. Résultat, une viande goûteuse, persillée à souhait, garantie sans OGM, dont la haute qualité s’explique aussi par une attention particulière au bien-être animal. Et cela tout au long de la chaîne, de la ferme jusqu’à l’abattage. “Grâce à la proximité entre les lieux d’élevage et l’abattoir, les animaux effectuent des trajets plus courts, diminuant ainsi le stress du transport, néfaste pour la qualité de la viande”, assure Jean-Jacques Terrand.
Un nouvel élan pour valoriser les races savoyardes
Cet ancien éleveur de Charolaises en Bourgogne ne tarit pas d’éloge sur la qualité de la viande des races bovines savoyardes (Abondance et Tarine). Elle gagne à être connue plus largement des particuliers comme des restaurateurs. Un signe qui ne trompe pas, à la cantine des écoles de Megève où elle est servie, il y a 25% de déchets en moins dans les assiettes des enfants ! Pour le directeur de l’abattoir, les économes de la restauration scolaire s’y retrouvent, même si elle est entre 7 et 12% plus chère qu’une viande industrielle. Il suffit également de réduire le grammage à la commande. Et cela d’autant plus qu’aujourd’hui, l’idée pour notre santé et l’avenir de la planète, est de manger moins, mais mieux !
Pour accélérer la notoriété de la viandes des deux Savoie et doper l’activité de l’abattoir megevan et ses deux ateliers de découpe, ses actionnaires viennent de procéder à sa recapitalisation. 150 000€ d’argent frais ont été apportés, dont 40 000€ par la coopérative de Flumet. Celle-ci reprend également en main la commercialisation de la production de l’abattoir, via sa Sica des 2 Savoie. Depuis trois ans, ses commerciaux sont partis avec succès à la conquête des restaurateurs, de la restauration collective et de la grande distribution régionale pour les fromages et les produits laitiers fabriqués par la coop. Philippe Bouchard table sur le même engouement pour les produits carnés. “Les indicateurs consommateurs sont au vert, c’est le moment d’écrire une histoire ensemble et de rapporter de la valeur à nos paysans”.
Sophie Chanaron