Club Med réalise une année 2018 record. L’opérateur touristique a enregistré l’an dernier la plus forte croissance de son activité depuis six ans. Et cela sur l’ensemble de ses principaux marchés et notamment la montagne, destination stratégique où il est très actif et à plein de projets, notamment l’été. Xavier Le Guillermic, directeur des infrastructures villages Europe Afrique et Stratégie Montagne, détaille ces performances pour Actumontagne, à l’heure du 6e Printemps du ski, opération promotionnelle de la fin de saison portée par France Montagnes.
Actumontagne : Après une bonne année 2017, Club Med signe une année 2018 record, avec un chiffre d’affaires de 1,6 milliard d’euros (+8%) et quelque 1,4 million de clients (+6,5%). Votre commentaire ?
Xavier Le Guillermic : Ces résultats excellents de notre groupe sont le fruit de notre stratégie de diversification des destinations du Club Med, engagée il y a déjà plusieurs années et confortée par l’arrivée dans notre actionnariat du groupe Fosun. Il nous a donné les moyens de notre développement équilibré sur les cinq continents, cela à la mer comme à la montagne. Nous avons étoffé et transformé notre portefeuille de villages en opérant partout une montée en gamme, avec un impact sur notre clientèle désormais internationale à 80% au global.
Pour la montagne, quel est le ratio entre clientèle française et clientèle étrangère ?
Xavier Le Guillermic : Pour l’hiver en cours, c’est à dire de novembre à cette fin d’avril, en Europe, la clientèle internationale représente en moyenne 64% de nos clients dans nos 17 villages montagne en Europe. Un record là-encore ! Sur les nouveaux villages, nos flagships tels Les Arcs Panorama ou Grand Massif, nous avoisinons les 70% de clients internationaux, car nous avons développé une offre tout compris à destination des familles, et notamment vers les pays comme le Brésil, l’Afrique du Sud ou encore Taïwan ou l’Australie.
Vos villages alpins rencontrent un succès phénoménal auprès des Brésiliens. Cet engouement continue-t-il ?
Xavier Le Guillermic : Nous avons reçu les premiers clients brésiliens en 2005 avec l’ouverture du village de Peisey-Vallandry, et aujourd’hui, nous en accueillons environ 17 000 dans nos différents villages. Les Brésiliens représentent la troisième nationalité de nos clients dans les Alpes, ex-aequo avec les Belges (10%), derrière les Français, (36%) et les Britanniques (14%), les cinquièmes étant les Israéliens. Et pour le premier jour d’ouverture des réservations de l’hiver 2020, le 26 mars dernier,sachez que le Brésil a explosé ses records pour une première journée de vente ! Nous aurons donc l’année prochaine encore plus de ressortissants brésiliens dans nos villages des Alpes. Depuis quatre ans, nous enregistrons des taux de croissance de cette clientèle de l’ordre de 40 à 50 % par an. Le Club a une image très haut de gamme sur place, l’équivalent de Vuitton en France !
Quelle est la part de vos 21 villages montagne dans le chiffre d’affaires global de Club Med en 2018 ?
Xavier Le Guillermic : À peu près 1/4. Les resorts de montagne du groupe -17 villages en Europe, 4 villages en Asie- représentent 1/3 du nombre de resorts du Club Med dans le monde. Mais il faut savoir que nos villages de montagne ne sont pas tous bi-saisonniers, alors que la plupart des villages balnéaires sont ouverts toute l’année. Nous sommes le leader mondial de la montagne sur l’Europe et sur l’Asie actuellement, et nous prétendons l’être en 2021 sur l’Amérique aussi, avec notre nouveau village Club Med Québec Charlevoix au Canada, et des pistes sérieuses en cours de négociation aux États-Unis. Dans le cadre de notre stratégie de diversification, nous privilégions un développement équilibré entre les villages balnéaires et les villages montagne. Nous ouvrons des villages à la montagne en Europe, en Asie et en Amérique et aussi à la mer sur ces continents afin d’avoir un quadrillage matriciel par destination et par segments de produits.
Club Med poursuit sa montée en gamme. Comment se traduit-elle en montagne ?
Xavier Le Guillermic : Pour l’instant, en montagne, après avoir fermé les villages 3 tridents qui n’étaient ni évolutifs par rapport à nos standards ni extensibles, comme par exemple ceux d’Avoriaz ou des 2 Alpes, nous ne développons plus que des resorts quatre tridents, avec, soit un espace cinq tridents -exemple Les Arcs Panorama-, soit un programme d’appartements-chalets, comme à Valmorel et bientôt à Samoëns Grand Massif. Nous réfléchissons également à un programme immobilier haut de gamme avec notre futur village de La Rosière, dont les travaux devraient commencer à la fin de ce mois (pour une ouverture prévue en décembre 2020). Nous sommes par ailleurs en négociation avec nos partenaires pour que l’an prochain, notre village de Val d’Isère devienne un village cinq tridents. Il serait le premier village à la montagne Exclusive Collection, pour les familles et les couples, ouvert l’hiver et peut-être l’été.
Vous n’êtes plus à Avoriaz, ni aux 2 Alpes ou à Chamonix. Une absence provisoire ?
Xavier Le Guillermic : Nous sommes en discussions avancées avec les élus des deux destinations de prestige que sont Morzine-Avoriaz et des 2Alpes pour identifier des terrains correspondant à nos critères de développement. Pour Morzine, nous avons identifié un foncier et il reste à aller au bout des procédures urbanistiques. Pour Chamonix, rien n’est définitif ! Nous laissons la porte ouverte aux élus. S’ils identifient un foncier en vallée de Chamonix, à Argentière par exemple, qui pourrait correspondre à nos critères de développement, nous étudierons le dossier. Nous avons été 45 ans à Chamonix et n’avons pas quitté la destination de gaité de coeur ! Nous sommes également en pourparler et en étude avec certaines destinations haut-savoyardes telles que Saint-Gervais, Megève, La Clusaz ou Le Grand-Bornand.
Club Med s’intéresse donc même aux stations de moyenne altitude ?
Xavier Le Guillermic : Tout à fait ! A partir du moment où ces stations ont un plan stratégique, une vision de leur avenir, une maîtrise de leur enneigement, et qu’elles sont en capacité de nous proposer un foncier bien orienté skis aux pieds, et bien nous sommes intéressés. A Valmorel, village qui fonctionne très bien, nous sommes implantés à 1400 mètres d’altitude, à Serre-Chevalier, le village rencontre lui aussi un formidable succès, nous sommes à 1300 mètres. Nous voulons offrir à nos clientèles, toutes les altitudes, toutes les typologies de stations (charme, sportives…) dans les Alpes. Le dynamisme des stations, hiver comme été, compte aussi beaucoup dans nos choix d’implantation.
Justement, quid de l’été dans votre stratégie ?
Xavier Le Guillermic : Vous savez pour amortir les 100 millions d’euros du ticket d’entrée d’un village à la montagne, il faut viser une exploitation quatre saisons, ou une saison très large. C’est pour cela que nous avons été dès le départ, partenaire de l’opération le Printemps du ski pour reconquérir ce mois d’avril qui était en perdition pour la montagne. Du 21 mars au 28 avril, nous avons désormais des taux d’occupation supérieurs à 70% en moyenne, là où il y a encore trois ou quatre ans, nous atteignions péniblement les 50%. Beaucoup nous envient ! L’autre cause nationale, portée dernièrement par notre président Henri Giscard d’Estaing devant le Conseil national du tourisme présidé par Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, c’est la saison d’été qui est aujourd’hui insuffisamment mise en avant.
Combien de vos villages montagne sont-ils ouverts l’été ?
Xavier Le Guillermic : Cinq sur 17 en Europe, soit 40% de notre capacité d’accueil. En 2022, compte tenu de notre politique, nous en aurons 10. Soit 60 à 70% de notre capacité d’accueil totale. La montagne estivale est le nouvel oasis de fraîcheur que nous cherchons à vendre à nos clients internationaux. L’image de la montagne estivale est très bonne mais nous avons un taux de transformation encore faible en France, culturellement tournée vers le balnéaire l’été. Les Alpes françaises doivent aussi s’engager à rendre attractive leur destination l’été, ce qu’ont réussi à faire la Suisse et l’Autriche. Il faut organiser plus d’activités, plus de concerts l’été. Les élus ont pris conscience du potentiel de cette saison, avec des aménagements de sentiers de randonnée pédestres mais aussi VTT. Cette année, nous avons d’ailleurs investi massivement pour équiper nos cinq villages d’une flotte de VTTAE. Dès l’été prochain, nos clients vont pouvoir aller se balader dans la montagne avec ces deux-roues inclus dans leur tout-compris. C’est un investissement stratégique.
Propos recueillis par Sophie Chanaron