120 cyclistes de sept nationalités (dont 72 % de Français et 17% de Belges+ Néerlandais) ont participé dimanche 20 juin à la GFNY La Vaujany, première cyclosportive de l’année 2021 organisée en Isère, avec au programme un parcours compact mais costaud (102 km pour 3200 m de dénivelé). Quoi de mieux pour en parler que d’aller au cœur du peloton ? Récit de la course… vue de l’intérieur.
Ça y est ! J’ai enfin retrouvé le plaisir d’épingler un dossard, de sentir la petite tension qui monte au rythme de la musique crachée par des baffles surpuissantes dans la zone de départ/arrivée, au centre de Vaujany. Certains concurrents sont encore très détendus, d’autres déjà dans leur bulle. D’ici moins de dix minutes, j’entendrai ce claquement caractéristique des chaussures qui se clipsent dans les pédales automatiques. Je sais déjà que tous les scénarios que j’ai échafaudés dans ma tête depuis la veille voleront en éclat au bout de quelques minutes. Mais qu’importe, ça fait aussi partie du plaisir d’une cyclosportive !
Le départ est donné à huit heures. Le début de course est calme, les organisateurs ayant neutralisé les 5 premiers kilomètres, en descente jusqu’au lac du Verney. Cela n’empêche pas une première chute d’un malheureux cycliste victime d’un éclatement de son pneu. Une fois le départ réel donné, on se retrouve d’un coup à 45 km/h (sans effort, grâce à l’aspiration) sur les quelques hectomètres de plat le long du lac du Verney. Quel bonheur ! Mais très vite, on attaque la montée de Villard-Reculas et mon cardio-fréquencemètre s’emballe, à 182 pulsations par minute. Il me faudra une dizaine de minutes avant qu’il redescende d’une dizaine de pulsations, aux valeurs que j’avais imaginées dans mon plan idéal. Mieux vaut en effet en garder un peu sous la pédale, au vu du copieux programme : une double ascension de l’Alpe d’Huez (la première par Villard-Reculas, Huez puis la fin de la montée « classique », enchaînée avec le col de Sarenne, la seconde par les 21 lacets depuis Bourg d’Oisans), et celle de Vaujany pour finir. Soit 102 km et 3200 m de dénivelé.
Lorsque j’arrive au Pas de la Confession (sur la magnifique route en balcon entre Villard-Reculas et Huez) le peloton s’est déjà éparpillé façon puzzle. La fin de la montée de l’Alpe, à partir d’Huez, se passe sans encombres. Au ravitaillement installé à l’Alpe d’Huez, les bénévoles tendent des gels énergétiques et des bidons. Même pas besoin de s’arrêter, quel luxe ! Pour le coup, le slogan de la course, « Be a pro for a day » n’est pas usurpé. Les magnifiques paysages du col de Sarenne, très sauvages, permettent ensuite d’oublier la douleur qui commence à monter dans les cuisses et les ischios, au gré des pentes qui flirtent avec les 10 % sur les trois derniers kilomètres de ce « presque 2000 » (1999 m d’altitude exactement !).
Malgré une descente plutôt prudente du col de Sarenne, je rattrape deux autres participants (un quinquagénaire nîmois et une Hollandaise d’une vingtaine d’années) à la faveur de petites remontées juste avant Mizoën puis après le Freney d’Oisans. Nous abordons donc à trois les 7 km de plat (les seuls de la course !) qui nous mèneront au pied de l’Alpe d’Huez. Nous ne sommes malheureusement que deux à nous relayer, la concurrente néerlandaise ayant opté pour la stratégie du « ratonnage », consistant à rester bien au chaud dans les roues pour économiser ses forces. Pas très fair-play, mais efficace : elle me doublera dans le final de la montée de l’Alpe d’Huez (je l’avais pourtant distancée dès les premières rampes) et terminera 46e au scratch et 2e féminine, un peu moins de huit minutes avant moi.
Cette deuxième montée de l’Alpe d’Huez commence à bien entamer mes forces, même si je reste plutôt efficace sur la première partie. Lorsque je double Hugues, un cycliste d’environ 35 ans venu de Crémieu (Nord-Isère), il me lance : « J’aimerais bien en avoir encore un peu sous la pédale, comme toi ! ». Quelques kilomètres plus loin, je me dis qu’il a tort : à partir d’Huez, je commence à sérieusement plafonner, et j’ai un peu l’impression d’être « collé ». Cette fois-ci, je prends quelques minutes pour m’arrêter au ravitaillement de l’Alpe d’Huez et engloutir pêle-mêle Coca, bananes, madeleines et autres gels. Mieux vaut perdre un peu de temps maintenant pour se requinquer, plutôt que de risquer d’exploser complètement dans la montée finale vers Vaujany.
Comme attendu, celle-ci se fait tout au mental. Les jambes piquent de plus en plus, alors j’opte pour des petits braquets et je morcèle mentalement la montée : plus que 4,3,2,1 km… avant la flamme rouge ! Les panneaux d’encouragement (en anglais), installés par les organisateurs le long de cette exigeante dernière ascension de presque 5 km à 8,7 % de moyenne, me font oublier la douleur quelques instants. J’ai bien aimé « Les vainqueurs ne sont pas ceux qui ne perdent jamais, mais ceux qui n’abandonnent jamais » ou « Maintenant que tu es allé aussi loin, ce serait dommage de s’arrêter ici ! » (à environ 2 km de l’arrivée). Facile à dire avec les jambes qui crient famine ! Enfin, après 4h50 d’efforts (soit 1h06 de plus que le vainqueur, le Belge Tim Alleman, qui a bouclé le parcours à plus de 28 km/h de moyenne !), c’est la délivrance au moment où je franchis la ligne (en 51e position, sur 106 classés sur ce grand parcours).
Vient alors l’un des moments que je préfère dans une cyclo : celui où on se dit « je l’ai fait ! » (et qu’on a hâte de recommencer alors même qu’on se demandait encore deux minutes auparavant ce qu’on était venu faire dans cette galère !) et qu’on « refait le match » avec les autres concurrents. Notamment Hugues, que j’avais doublé dans l’Alpe d’Huez, et qui n’arrivera au final que deux minutes trente-six secondes après moi à Vaujany. « J’ai bien fait d’adopter un rythme raisonnable dans l’Alpe d’Huez, car au final j’ai moins souffert que prévu dans Vaujany », m’explique-t-il. Je retrouve aussi Mathieu, un ami de mon club de vélo, arrivé 40 minutes avant moi… en dépit de sensations «correctes mais sans plus » !
Malgré une participation un poil modeste, l’organisateur, Cédric Haas, dressait un bilan positif de cette première édition de la GFNY Vaujany Alpe d’Huez : « C’est un grand honneur que Vaujany nous ait demandé de reprendre cette cyclo-sportive après le retrait de l’organisateur précédent. Nous n’avons eu que deux mois pour la monter. On a encore beaucoup de choses à améliorer. Mais on a eu le gratin du cyclosport amateur – les trois premiers ont de nombreuses victoires dans la région à leur actif – et de nombreux concurrents nous ont dit après la course qu’ils ne connaissaient pas Vaujany et qu’ils ont trouvé ça magnifique. C’est ce qu’on veut, attirer dans la station des gens qui ne seraient pas forcément venus sans le vélo. »
120 coureurs ont participé à cette première GFNY La Vaujany, avec un profil de coureurs plutôt inhabituel pour les épreuves de cette franchise (le Gran Fondo New York – GFNY – regroupe près d’une trentaine de cyclosportives oorganisées aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, en Europe, en Israël et aux Philippines). « Normalement, on a plutôt 80 % de cyclistes étrangers et 20 % de locaux. Là, c’était l’inverse, mais c’était compliqué avec les incertitudes et fermetures de frontières liées au Covid », poursuit Cédric Haas. L’organisateur donne déjà rendez-vous le 29 août 2021 pour la GFNY Alpes Vaujany Croix de Fer et le 26 juin 2022 pour la GFNY La Vaujany Alpe d’Huez. « On modifiera peut-être un peu le parcours par rapport à cette année. Il serait plus long mais moins difficile, afin de bien préparer – mais sans trop les fatiguer – les coureurs qui font la Marmotte, qui devrait normalement avoir lieu une semaine plus tard. »
Martin Léger
Photo de une : Le col de Sarenne était au programme des participants du grand parcours © Martin Léger