Megève accueillait, du 19 au 21 octobre, Toquicimes, un festival dédié à la gastronomie de montagne. Dégustations, master class, concours culinaires et autres colloques professionnels étaient au programme. Emmanuel Renaut, le chef étoilé du Flocons de Sel, à Megève, et président de Toquicimes, revient sur cette deuxième édition.
Quel bilan dressez-vous de cette deuxième édition de Toquicimes ?
C’est un événement qui prend gentiment sa place. Des choses ont été lancées. On a fait passer des messages aux collectivités. On a aussi su mobiliser les locaux – notamment avec tous les concours un peu ludiques, à l’image de “Mon boxeur de chef” – afin qu’il y ait du partage, ce qui est très important à nos yeux. C’est aussi pourquoi on a créé un Conservatoire des recettes. Il y a en Savoie et en Haute-Savoie énormément de recettes de grand-mère qui se transmettent oralement, mais il n’existe pas de livres qui les répertorient, comme ça peut exister par exemple en Provence. L’idée, c’est d’en éditer un d’ici un ou deux ans. Que ce soit pour les farcements, les polentas, l’utilisation du génépi… il existe de nombreuses recettes, et même souvent des variantes d’une vallée à l’autre, voire d’un village à l’autre. On a jusqu’à présent recueilli une centaine de recettes, dont certaines sont de véritables pépites.
Quels sont ces messages que vous souhaitiez faire passer ?
Il y en a deux principaux. Le premier, c’est le respect des régions et des produits. On a -en montagne mais pas seulement – une richesse locale qu’on n’exploite pas assez à mon goût. Aujourd’hui, les gens veulent manger bon, mais aussi manger sain. Ce qui veut dire qu’il faut privilégier, autant que possible, les produits qu’on trouve à proximité de chez nous. Après, je suis bien conscient qu’on ne peut pas toute l’année cuisiner à 100 % avec des produits locaux. Mais il faut dans ce cas expliquer pourquoi on a été chercher le produit plus loin. Le deuxième message qu’on voulait faire passer, c’est celui de la problématique pour trouver du personnel. On a un cadre de vie attirant – en particulier dans nos stations de montagne – des jeunes cuisiniers passionnés et qualifiés, et pourtant ils ne viennent pas travailler chez nous. Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas prêts à vivre dans des chambres de bonnes pour des loyers exorbitants, comme on pouvait le faire il y a 20 ou 30 ans en arrière. Il faut leur offrir des conditions de travail décentes, et ça passe par bien les loger et les nourrir. Mais il faut pour cela que les municipalités construisent des logements à destination des saisonniers, avec des loyers raisonnables. Quand on voit le nombre de saisonniers qui sont obligés de dormir dans des caravanes à Chamonix, c’est qu’il y a vraiment un gros problème. Nous avons profité de Toquicimes pour faire passer ces messages, mais c’est un combat qu’on doit mener toute l’année, sinon cela ne sert à rien.
Pouvez-vous déjà nous en dire plus sur l’édition 2020 de Toquicimes ?
Nous souhaitons continuer à nous ouvrir à l’international, comme nous l’avons déjà fait cette année en mettant à l’honneur la cuisine du Valais, en Suisse. En 2020, c’est le Val d’Aoste que nous allons mettre en avant. Il y a là-bas une vraie culture du produit local. Les produits de l’industrie agro-alimentaire y ont moins de place que chez nous. On y trouve davantage dans chaque village des spécialités propres. Encore une fois, ce qui nous importe, c’est d’échanger et de partager.
Propos recueillis par Martin Léger
Photo de une : Thierry Guinot, chef adjoint de Nicolas Sintes aux “Fermes de Marie”, a remporté le concours de la meilleure fondue de Megève 2019, organisé dans le cadre de Toquicimes. Crédit Simon Garnier / Megève