Après une perte de chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros entre mars 2020 et mars 2021, les stations iséroises veulent croire que 2021-2022 sonne enfin l’heure de la reprise du tourisme hivernal. Le Département les accompagne dans la sortie de la crise et leur transition touristique face aux enjeux économiques, climatiques et sociaux. Les explications de Nathalie Faure, « Madame Montagne » au sein de la collectivité territoriale.
Dans quel état d’esprit êtes-vous à la veille de cette nouvelle saison d’hiver, toujours sous pandémie?
Nathalie Faure : Après deux hivers très difficiles, notamment le dernier, avec la fermeture historique des remontées mécaniques qui a généré un effondrement des nuitées en Isère (-45%) et la perte de 830M€ de chiffre d’affaires, dont 112M€ pour les seules recettes du ski alpin, nous voulons rester optimistes ! Je me suis beaucoup déplacée dans les quatre massifs isérois depuis que la délégation montagne m’a été confiée. J’ai rencontré des acteurs du tourisme très motivés. Tous ont fait en sorte de ne pas subir la crise sanitaire, mais plutôt de profiter de cette situation inédite pour investir dans leur outil de travail, rénover leurs établissements, imaginer de nouvelles activités. L’hiver dernier, ils ne se sont pas morfondus ! Les opérateurs touristiques ne veulent pas des aides, ils veulent travailler ! Néanmoins, les aides publiques d’urgence qu’ils ont reçues de l’État, de la Région et du Département leur ont permis de tenir le coup et d’être prêts à rattaquer la nouvelle saison.
Le Département a lancé en mai dernier son plan Montagne. Quelles sont ses grandes lignes ?
N.F. : Ce plan s’élève à 10M€ sur trois ans. Ce n’est pas rien, parce qu’il est dédié aux 22 stations de l’Isère et vient en complément des plans Montagne de l’État (ndlr : 650M€) et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes (ndlr : 100M€). À ces 10M€ vont s’ajouter une enveloppe d’investissement de 10M € pour les ascenseurs valléens et des subventions issues d’autres politiques publiques du Conseil départemental, comme celle du sport pour le plan Ski de randonnée par exemple. Notre plan Montagne se décline en deux volets, via les Contrats de performance Alpes Ishere (CPAI) et des appels à projets. Il vise à soutenir la reprise de l’activité dans nos stations et à les accompagner dans leur transition touristique, même si le ski et la neige restent le moteur économique.
Le Département continue ainsi de sécuriser la saison hivernale, et donc de financer les projets de neige de culture ?
N.F. : Entre autres, mais au cas par cas. Dans le cadre du Plan Montagne, nous avons fait évoluer les CPAI, toujours avec la volonté de sécuriser l’enneigement des stations, mais aussi en les aidant à intervenir de manière « raisonnée » sur les secteurs clés de leur domaine skiable en optimisant la consommation d’énergie et la ressource en eau. Nous ne sommes pas dans un schéma d’arrêter le ski alpin. D’ailleurs, nous nous appuyons sur des études scientifiques et notamment une* qui a analysé la pertinence des projets de neige de culture sur la base des projections d’enneigement des stations iséroises, de la disponibilité de la ressource en eau et des équilibres financiers. Des projets d’enneigement qui feraient passer le taux moyen de couverture des domaines skiables en neige de culture de 27% actuellement à 47% en 2025. Cette étude conclut qu’avec ces équipements neige envisagés d’ici à 2025, le niveau d’enneigement global en 2050 serait similaire à celui d’aujourd’hui avec, bien sûr des nuances entre les stations. Pour les stations de moyenne et basse altitude, le ski alpin est pour l’instant vital. Pour autant, nous les accompagnons dans leur diversification à travers des appels à projets.
Quelles sont les orientations que vous privilégiez pour ces derniers ?
Nous avons retenu trois axes : le développement de la compétitivité touristique des stations et des prestations (parcours clients, aménagements de front de neige, d’espaces débutants ou d’offres bien-être) ; la rénovation thermiques des refuges gardés, avec des subventions pour aider ceux qui ne le sont pas parmi les 28 du territoire, à devenir autonome en énergie ; enfin, dernier axe pour les appels à projets, la décarbonation de la mobilité en station, avec des équipements incitant leurs clients à utiliser des modes de déplacement doux (cheminements piétons, consignes à ski, vélo ou bagages…). Les projets éligibles seront soutenus à la fois en études préalables, pour faire les bons choix, et dans leur réalisation avec des plafonds de 100 000 à 200 000€ (ndlr : date limite de dépôts des dossiers le 31 mars 2022).
Quelques mots sur le plan Ski de randonnée du Département ?
N.F. : L’engouement pour le ski de randonnée, encore renforcé l’hiver dernier par la fermeture des remontées mécaniques, a conduit le Département, en lien avec l’agence Isère Attractivité, à structurer cette activité. Douze domaines skiables pilotes ont manifesté leur intérêt à l’appel à projet lancé en juin dernier sur ce sujet, avec la mise en place d’une trentaine de parcours permanents balisés et sécurisés. Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la rédaction d’un référentiel national impulsée par le Département et coordonnée par la FNSSDS**. Ce plan de 50 000€ pour le seul balisage permettra aux skieurs d’emprunter les itinéraires en connaissance de cause puisque le niveau de difficulté sera indiqué. Il compte aussi un volet initiation et animation à destination du grand public plusieurs week-ends de la saison, comme par exemple lors de la 20e édition de la course de ski-alpinisme la Belle Étoile, les 29 et 30 janvier aux 7 Laux, en collaboration avec Dynafit et Ortovox.
Propos recueillis par Sophie Chanaron
*Menée en 2018 par l’IRSTEA2 et Météo France-CNRS-Centre d’Études de la Neige
**Fédération Nationale de la Sécurité et des Secours sur les Domaines Skiables
photo de Une : Le ski alpin fait son retour cet hiver ©Jocelyn Chavy