Les stations en mode reconquête à l’international

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Si les vacances d’hiver s’achèvent ce samedi, la saison du blanc est loin d’être terminée pour les stations tricolores. D’autant que mars et avril s’annoncent sous les meilleurs auspices d’après les professionnels du tourisme rencontrés à Destination Montagne Grand Ski. Désormais élargi à la commercialisation de toutes les saisons, le salon demeure le rendez-vous privilégié pour prendre le pouls de l’hiver en cours. Et il est bon, voire très bon !

Le masque, maintenu obligatoire par les organisateurs du salon, n’a pas empêché de deviner qu’exposants comme visiteurs avaient le sourire dans les deux halls de SavoiExpo, hôte de du 31e salon Destination Montagne Grand Ski, les 1er et 2 mars dernier. Et pas seulement parce que les acteurs du tourisme montagne et les prescripteurs de séjours touristiques étaient ravis de se retrouver en vrai !

L’optimisme général ambiant de ces deux jours de rendez-vous d’affaires s’explique avant tout par une activité qui bat son plein en station, bien au-delà des espérances !

Déferlante britannique en mars-avril

Tout d’abord, la clientèle domestique et celle du Benelux ont compensé en partie l’absence des Britanniques en début de saison. Dès la levée mi-janvier des restrictions les visant liées à la cinquième vague de Covid-19, ces derniers ont commencé à revenir dans nos massifs, à la faveur notamment des réservations d’ultra dernière minute. La tendance lourde de cette saison 2022. Ce retour des Anglais a été un vrai soulagement pour toutes les destinations internationales. Comme pour Méribel par exemple. “Mi-décembre nous avions beaucoup de craintes”, témoigne Gilles Léonard, directeur de Méribel Tourisme, reconnaissant avoir passé trois semaines difficiles en janvier, les clientèles française, belge et néerlandaise permettant de limiter l’impact des annulations des Britanniques et l’absence des Russes (pour cause de non reconnaissance du vaccin Spoutnik en Europe). “À date, nous sommes en baisse de 7 points, mais cet hiver est quand même une bonne saison, très disparate selon les typologies d’hébergement, les agences immobilières sur-performant en terme de taux d’occupation par rapport aux résidences de tourisme et aux hôtels”.

À Chamonix, où février a été excellent, selon Arnaud Jameson, directeur adjoint de l’office de tourisme, mars et avril sont très prometteurs. ” À partir de la mi-mars, les Anglais reviennent en masse et nous recevons même des groupes de plus de 500 personnes”.

Au final, la destination du Pays du Mont-Blanc, qui draine 50% de clientèle étrangère, pour moitié originaire du Royaume-Uni, table sur un hiver 2022 équivalent, voire supérieur à celui de 2019-2020.

Arnaud Jameson, directeur adjoint de l’OT Chamonix Mont-Blanc

Chez Travelski aussi, le retour massif des Britanniques, “une clientèle de skieurs et très consommatrice”, est un soulagement après l’annulation de quatre trains Travelski Express sur les 17 prévus cet hiver entre Londres et les stations de Tarentaise. Cette liaison ferroviaire hebdomadaire, intégrée dans un package avec hébergement et forfait de ski, est opérée en exclusivité par la filiale de la Compagnie des Alpes. Elle a pu enfin démarrer le 28 février. Le taux de remplissage des premiers trains ne dépassait pas les 50% en février, concède Guillaume de Marcillac, directeur général de Travelski. “Il aurait pu être plus élevé si les stations alpines avaient eu les capacités d’hébergement à disposition sur cette période, car nous avions la demande”. En mars-avril, les Eurostar seront remplis au moins entre 70 et 75% selon les semaines, “et pourraient l’être davantage avec les réservations de dernière minute”, espère le dirigeant du TO européen, qui a vu cette saison ses ventes de séjours au ski bondir de 35% par rapport à l’hiver 2018-2019 ! “Nous amenons dans les Alpes françaises 200 000 personnes”.

Fréquentation domestique soutenue

Du côté des stations alpines à la clientèle majoritairement française, cet hiver de la reprise se révèle particulièrement forte. “Pour nous, cette saison sera même historique”, s’enthousiasme Alexandre Maulin, directeur général de Maulin.ski, l’exploitant de domaines skiables du Corbier, de Saint-Jean-d’Arves et Saint-Sorlain-d’Arves, qui forment avec La Toussuire, Saint-Colomban-des-Villards et Les Bottières, le domaine des Sybelles. “Les deux moteurs de vente de séjours pour notre destination sont Le Corbier et La Toussuire qui disposent de 1300 lits supplémentaires cet hiver, avec la mise en exploitation respective de la résidence MMV L’Étoile des Sybelles et celle de CGH L’Alpaga”, souligne celui qui préside Domaines Skiables de France, précisant avoir commencé la saison avec un retard de 8 % des réservations pour finir au niveau de l’hiver 2019-2020.

Alexandre Maulin, pdg de Maulin.ski, exploitant sur le domaine des Sybelles

À Megève, les réservations au 1er février étaient en hausse de près de 6% par rapport à N-2. Soit plus de 41 000 nuitées supplémentaires par rapport au prévisionnel de l’hiver 2020. “Et le mois de mars s’annonce très bon, avec une forte fréquentation sur les week-ends, dopée par les régionaux et les Suisses”, précise Caroline Pierlot, directrice commerciale et marketing à Megève Tourisme. Beaucoup de Suisses possèdent une résidence secondaire ou louent à la saison à Megève, attirés par ses multiples animations et son offre festive qui s’est considérablement renforcée cet hiver. Une dizaine d’établissements ont ainsi ouvert leurs portes, ciblant avec succès une clientèle plus jeune et de proximité. Un rajeunissement de la clientèle qui pourrait encore s’accélérer l’an prochain avec le déploiement à Megève par la Compagnie du Mont-Blanc de la tarification dynamique pour le ski à la journée. “À Chamonix, le Cham Ski Deal a généré à ce jour 3M€ de chiffre d’affaires et commence à modifier l’image de station chère que notre destination a dans l’esprit des locaux et des jeunes”, constate Antoine Burnet, directeur commercial et marketing à la CMB.

Aux Saisies, Olivier Reydelet, directeur de l’office de tourisme, parle d’un millésime 2021-2022 “exceptionnel”, avec un taux d’occupation de 76%, sensiblement supérieur à celui à l’hiver 2018-2019. “Pour les vacances d’hiver 2022 qui se terminent samedi, la centrale de réservation affiche des taux de réservation entre 91% et 96%, grâce à une commercialisation lancée très tôt”. La station du Beaufortain, auréolée des médailles d’or et d’argent aux JO de Pékin des biathlètes Justine Braizaz-Bouchet (mass start) et de Julia Simon (relais mixte), enregistre des progressions à deux chiffres sur l’alpin et sur le nordique. Avec 15% de non-skieurs, Les Saisies explosent également sur les piétons. Plus de 4000 topos des 80 km d’itinéraires balisés se sont déjà arrachés, du jamais vu ! La preuve renouvelée que si le ski sert d’accroche l’hiver, il y a du potentiel du côté de la multiactivité. Et sur la multisaison.

Vendre la montagne multisaison

C’est d’ailleurs en ce sens que le salon d’Atout France et ses partenaires -rebaptisé depuis l’an dernier Destination Montagnes Grand Ski-, ne se focalise plus sur la seule saison d’hiver. Les voyagistes internationaux sont de plus en plus intéressés par l’offre des stations en été, mais également à l’automne. “Même si l’accroche principal reste sur l’hiver, les distributeurs étrangers nous interrogent de plus en plus sur notre offre d’activités l’été, recherchent l’originalité”, confirme Patrice Blanc-Gonnet, directeur de l’office de tourisme de Praz-sur-Arly, premier site d’aérostation dans les Alpes françaises et seule station à proposer des vols en montgolfière à l’année.

“L’ouverture du salon à la montagne quatre saisons a motivé la participation du Vercors à Destination Montagnes Grand Ski”, explique Christophe Lebel, directeur de l’OTI Vercors, venu vanter les séjours dans son territoire de moyenne montagne au printemps, durant l’été et à l’automne. “Pour l’hiver, nous n’avons pas les structures adaptées pour recevoir la clientèle des TO, par contre l’été, et sur la clientèle individuelle, nos stations-villages et notre montagne douce ont une belle carte à jouer”.

Christophe Lebel, directeur de l’OTI Vercors venu vendre l’été aux distributeurs étrangers aux côtés d’Amandine Vantard, du groupement des hôteliers du Vercors

Eric Bouchet, le directeur de l’office des 2Alpes, vient lui commercialiser la station iséroise l’hiver, mais il met largement l’été en avant. “Nous investissons 180 M€ sur trois ans pour transformer notre domaine skiable, mais également rénover notre bike-park, créer deux itinéraires de VTTAE entre les 2Alpes et l’Alpe d’Huez, ouvrir un espace locatif de VTTAE sur le secteur Vénéon ou encore créer un long cheminement piéton de 16 km de Venosc jusqu’au hameau de la Rivoire côté Mont-de-Lans”. La station, en cours de requalification, peut compter sur 1000 lits supplémentaires chauds multisaisons avec l’ouverture d’une résidence MMV Les Clarines en lieu et place d’un ancien hôtel, et d’un nouveau village-club Belambra dans les anciens bâtiments du Club Med.

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine dans tous les esprits

Il est encore trop tôt pour savoir quel sera l’impact de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur le tourisme alpin. Leurs ressortissants génèrent moins de 2% des nuitées en Savoie Mont-Blanc, mais elle est à fort pouvoir d’achat. Les délégations de TO des deux pays ont logiquement annulé leur venue à Chambéry. “De toute façon, c’était un hiver très compliqué avec la clientèle russe qui traditionnellement séjourne chez nous en janvier”, explique Arnaud Jameson, directeur adjoint de l’OT de Chamonix où quelque 6000 Russes et Ukrainiens fréquentent la destination en temps normal. “Cette année, avec la non-reconnaissance du vaccin Spoutnik, les premiers étaient très peu nombreux”. A Méribel, si les Russes avaient généré 29 000 nuitées lors de l’hiver 2018-2019, ils en totalisent seulement 6300 cet hiver, auxquelles s’ajoutent 4000 nuitées ukrainiennes, à comparer aux 980 000 nuitées toutes clientèles confondues à mi-février”, relativise Gilles Léonard, directeur de l’OT de la station des 3 Vallées. Pour Didier Joseph, directeur de l’office de tourisme de Saint-Gervais, fin connaisseur de la Russie et de l’Ukraine, qu’il fut parmi les premiers à démarcher il y a près de 30 ans, il faut avoir en tête que leurs ressortissants sont aussi de grands amateurs de la montagne estivale. “Sportifs, ils sont de plus en plus présents en vallée de Chamonix l’été, attirés par le Tour du Mont-Blanc, l’ascension du mont-Blanc et les nombreux itinéraires de trail”.

L’effet d’entraînement de Courchevel Méribel 2023

La reprise soutenue de l’activité et l’appétence incontestable des voyagistes pour la montagne française permettent de remobiliser les troupes après deux ans de pandémie. Mais il faut rester vigilant dans un monde secoué par de nombreux soubresauts (Brexit, réchauffement climatique, pandémie, guerre…) qui mettent en difficulté l’industrie du tourisme. D’où l’importance du collectif et de la mutualisation comme l’ont souligné Caroline Leboucher, directrice générale d’Atout France et Jean-Luc Boch, président de France Montagnes et de l’ANMSM. “Dans le cadre du plan Avenir Montagne, nous avons pu obtenir 2M€ supplémentaires par an pour assurer la promotion en France et à l’international de la destination aux côtés de France Montagnes et de l’ensemble de nos partenaires”, a indiqué la première.

Signature de la lettre d’intention entre Atout France, France Montagnes, Courchevel Tourisme et Méribel Tourisme et Courchevel pour décupler la visibilité des championnats du monde de ski 2023, fer de lance de la conquête internationale de la montagne française

C’est dans cet esprit de solidarité entre acteurs de la montagne qu’Atout France a signé une lettre d’intention avec les organisateurs des championnats du monde de ski alpin Courchevel Méribel 2023. “Une belle opportunité pour mettre en avant le ski, créer de nouvelles vocations et susciter encore plus l’envie de venir découvrir les montagnes françaises”. De son côté Jean-Luc Boch appelle la filière à être encore meilleure, plus accueillante, plus imaginative et à transformer l’essai en cette saison de rebond pour notamment remonter à court terme de la troisième place mondiale en terme de journées-skieurs (derrière les États-Unis et l’Autriche, éternels rivaux), à la première.

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