Domaines Skiables de France, la chambre professionnelle réunissant quelque 230 opérateurs de stations de ski de l’Hexagone, tenait hier son Congrès annuel, à Chambéry. L’occasion pour les différents intervenants qui se sont succédés sur la scène du Phare (salle de concert… et de handball) de marteler que les remontées mécaniques ouvriront cet hiver (et peut-être même sans pass sanitaire), mais aussi de réitérer leurs engagements environnementaux dévoilés lors de ce même congrès, il y a un an à Grenoble.
On n’a pas compté le nombre exact de fois où il l’a répété, mais, pour Laurent Wauquiez, le doute n’est pas permis : « Cet hiver, c’est ouvert ! ». Impossible, pour le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, d’envisager une seconde saison blanche consécutive. Un avis évidemment partagé par les exploitants de domaines skiables et leur président, Alexandre Maulin. Si ce dernier a salué l’accompagnement de l’Etat – 639 millions d’euros d’indemnisations, répartis entre 198 opérateurs de stations de ski – il n’en a pas moins rappelé qu’il n’avait toujours pas compris les raisons qui avaient motivé cette fermeture administrative des remontées mécaniques. Nombre d’exploitants ont d’ailleurs dû avoir un pincement au cœur lorsque, dans une courte vidéo diffusée sur un écran géant en prémice aux tables rondes de l’après-midi, le PDG de SkiStar, l’exploitant de trois des principaux domaines skiables en Suède (dont Are), expliquait le protocole appliqué l’hiver dernier et se félicitait d’avoir réalisé un chiffre d’affaires… en augmentation de 10 % par rapport à la saison 2019-20, malgré l’absence totale de clientèle internationale ! En même temps, certains intervenants ont souligné que cela aurait pu être pire. Hervé Gaymard, le président (LR) du Conseil Départemental de la Savoie, affirmait ainsi avec humour qu’il ne regrettait pas que son département soit passé sous pavillon français en 1860, au regard de l’accompagnement moindre du gouvernement italien pour les stations de la Botte, comparé à leurs homologues françaises.
Mais le message important à retenir de ce congrès 2021 de Domaines Skiables de France concerne l’avenir à court terme : oui, il sera bel et bien possible de faire du ski alpin dans l’Hexagone lors de l’hiver 2021-22 ! Personne ne se risquerait aujourd’hui à dire dans quelles conditions exactes cette ouverture des remontées mécaniques se fera – le gouvernement devrait éclaircir ce sujet à la mi-octobre – mais la tendance est à un optimisme raisonné. La position d’Yves Dimier, président de la commission communication et économie de DSF, mais s’exprimant en tant que patron du domaine skiable de Val Cenis, résume assez bien l’ambiance générale : « Nous avons ouvert les ventes de forfaits saison en mai, et ça cartonne. Pour autant, je reste prudent. Mais la saison s’annonce globalement bonne ». Un optimisme conforté par un récent sondage réalisé par l’institut IPSOS, selon lequel 86 % des personnes interrogées déclarent avoir une bonne image du ski, et que, parmi ceux et celles qui pratiquent le ski alpin/snowboard, 94 % affirment qu’ils continueront à en faire à l’avenir.
L’autre message fort de ce Congrès, c’est celui sur l’implication des domaines skiables sur les questions environnementales, avec une volonté réaffirmée de mettre en œuvre les 16 éco-engagements annoncés l’an passé à Grenoble, dont celui d’atteindre la neutralité carbone avec zéro émission de CO2 d’ici 2037. « Le Covid ne change rien aux éco-engagements de Domaines Skiables de France », a d’ailleurs rappelé Anne Marty, la vice-présidente de la chambre professionnelle des exploitants français. Preuve supplémentaire de leur action pour le climat, les 230 opérateurs affiliés à DSF ont adhéré officiellement au French Business Climate Pledge. Ce mouvement initié par le Medef est un engagement volontaire d’entreprises implantées en France qui agissent concrètement pour réussir la transition vers une économie bas carbone, l’innovation et le développement de solutions, technologies, produits et services.
Tous ces acteurs partagent l’ambition des hommes politiques qui sont intervenus sur la scène du Phare de Chambéry, qu’il s’agisse de Laurent Wauquiez, qui a affirmé la volonté de la région AURA de « positionner les Alpes françaises comme la première montagne durable au monde » (avec notamment les ascenseurs valléens ou les 70 millions d’euros budgétés affectés au développement des véhicules à hydrogène), ou du Secrétaire d’Etat à la Ruralité Joël Giraud, venu vanter les mérites du plan Avenir Montagnes, qui doit « favoriser l’investissement sur les secteurs qui créeront de l’emploi en montagne tout en préservant l’environnement. »
Si ce congrès 2021 de DSF n’a pas été le théâtre d’annonces révolutionnaires, il a néanmoins permis de souligner le rapprochement entre les exploitants de remontées mécaniques et les autres acteurs du tourisme et plus généralement de la vie en montagne. Y compris avec certains « ennemis » historiques, dans la foulée des premiers Etats Généraux de la Transition du Tourisme en Montagne, qui se sont tenus les 23 et 24 septembre. La position de Fredi Maignan, qui n’a jamais porté les aménageurs des stations de ski dans son cœur, est assez révélatrice de cette évolution : « Les désaccords de conceptions entre montagnards ont toujours existé. L’heure n’est pas à faire disparaître ces désaccords, mais à en parler ensemble. On a des défis lourds devant nous : si on reste chacun avec nos certitudes, on va tous vers un échec. » Quitte à en surprendre certains dans l’auditoire, le vice-président de Mountain Wilderness a même ajouté : « Il faut tout faire pour préserver le ski, et en même temps tout faire pour que la montagne dans toute sa diversité puisse être valorisée. Les investissements en montagne concernent toujours du matériel. Peut-être faudrait-il aussi investir dans les savoir-faire humains, ce serait une belle avancée. »
Martin Léger
Photo de une : © Savoie Mont-Blanc / Chabance