Fréquentation en hausse pour le dernier salon Alpipro Digital Montagne qui s’est tenu fin avril à SavoiExpo à Chambéry. Près de 4150 visiteurs professionnels sont venus assister à cet événement, soit 12% de plus qu’en 2021. Mountain Next, les assises nationales des stations de ski et du tourisme en montagne, qui se déroulaient en parallèle, ont elles aussi rencontré un vif succès, avec des sujets au cœur de l’actualité.
La table ronde consacrée à la réhabilitation énergétique et à la rénovation des hébergements touristiques a été très suivie. Ces chantiers d’ampleur représentent des enjeux majeurs pour l’avenir de la montagne, où 38% de l’immobilier de loisirs entrent dans la catégorie des « passoires thermiques », c’est à dire des logements affichant un diagnostic de performance énergétique (DPE) étiqueté F ou G. Si l’on prend également en compte ceux classés E, dont l’entrée en vigueur de l’interdiction de la location est programmée pour 2034 dans le logement classique, alors les 3/4 du parc des hébergements marchands en station de montagne seraient concernés par son extension possible à l’hébergement de loisirs préconisée par un rapport d’inspection interministériel datant de mars dernier, selon la FNAIM Savoie Mont-Blanc.
S’ils jugent nécessaire la rénovation de ce parc énergivore et/ou émetteur de gaz à effet de serre, propriétaires, élus, exploitants de domaines skiables, agents immobiliers craignent que l’application de la loi Climat & Résilience aux locations de vacances, sonne tout simplement le glas de l’économie touristique de la montagne. Jean-Luc Boch, président de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM) rappelle que la France a fait le choix du tourisme, « et on est en train de mettre à mal ce modèle économique en ne tenant pas compte des spécificités de chaque territoire. En particulier en montagne où les situations en matière de logement diffèrent d’une vallée à l’autre, voire d’une station à l’autre ».
Le tourisme en montagne s’est historiquement construit sur le développement des résidences secondaires. Elles constituent 90% des hébergements. 88% d’entre elles sont en copropriétés, régime qui ne facilite pas la prise de décision lorsqu’elles doivent engager des travaux d’envergure. Caroline Baldes, directrice de Foncia Cimes de Savoie, bataille contre l’idée reçue selon laquelle en montagne, les bailleurs seraient « forcément blindés ». « Les rentrées d’argent de leurs locations saisonnières servent principalement à régler les charges de copropriété et le petit entretien, mais ne suffiraient pas à financer une rénovation énergétique », affirme-t-elle. Et de plaider pour un calendrier de travaux de rénovation énergétique plus réaliste* et la mise en place d’aides pour accompagner les propriétaires.
Un calcul du DPE défavorable à l’immobilier de montagne
Eric Bouchet, directeur de l’office de tourisme des 2Alpes pointe le calcul du DPE clairement défavorable aux petites surfaces en altitude. Or, ces dernières sont majoritaires dans le parc locatif des stations ! « Ceux qui louent leur bien seraient pénalisés alors qu’ils jouent le jeu du remplissage de la station », alerte le directeur des 2Alpes, pour qui l’interdiction de louer un bien immobilier classé E, F ou G, se traduirait par la sortie du secteur marchand de 60% des locations de vacances, avec comme conséquence une chute équivalente de la fréquentation.
De nombreux acteurs de la montagne doutent également de l’efficacité du durcissement, voire de la suppression de l’abattement fiscal sur les revenus locatifs des meublés dans les zones tendues (actuellement 71% pour les meublés de tourisme classés), envisagé par des parlementaires pour lutter contre l’essor de l’hébergement touristique, plus lucratif, au détriment de l’hébergement permanent.
« Le modèle touristique de la montagne, construit sur l’immobilier et dont nous avons hérité, est à bout de souffle, il faut intervenir parce que nous payons la passivité des années écoulées », insiste néanmoins Sylvain Charlot, délégué montagne d’Atout France. Faisant allusion aux propositions de la commission interministérielle sur l’attrition du logement en zone tendue, présentée le 13 mars dernier, il invite « tout le monde à se mettre en ordre de marche pour agir et ne pas subir. Oui, beaucoup d’initiatives devraient être laissées au local, il faut revoir le calendrier, accompagner les propriétaires et préserver la recette locative de ceux qui jouent le jeu. Mais soyons actifs, créatifs et nuancés », invite-t-il les opérateurs à l’heure où le gouvernement planche sur une proposition de loi visant à mieux encadrer le logement dans les zones tendues.
Encourager la rénovation plutôt que la sanctionner
Vincent Rolland député de la Savoie, missionné par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale il y a plusieurs mois pour explorer les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues, suit de près les travaux du Ministère du Logement, ainsi que ceux des parlementaires sur cette question. Et se veut rassurant. « Si les DPE devaient s’appliquer aux locations saisonnières, les communes supports de montagne pourraient délibérer sur une exemption de cette obligation, aux motifs de situations particulières (désavantage dans le calcul de l’isolation thermique des petites surfaces et de l’altitude notamment) ».
Partisan de l’encouragement plutôt que de la sanction, le député savoyard réitère son souhait exprimé auprès de l’ancienne ministre du Logement Emmanuelle Wargon, de créer un fonds d’accompagnement des propriétaires dans leurs travaux de rénovation énergétique en montagne. Un levier indispensable.
Quant à l’abattement fiscal des revenus locatifs des meublés de tourisme, les stations de montagne classées pourraient selon ses informations y échapper, cette mesure risquant de faire encore gonfler le nombre de lits froids – appartements inoccupés onze mois sur douze-, estimés à près de la moitié des hébergements touristiques, par Atout France.
*Le calendrier d’interdiction de location des logements énergivores est de 2025 pour ceux étiquetés G, 2028 pour ceux classés F et 2034 pour la classe E
Du côté des exposants
Losonnante, une expérience immersive différenciante
Avec sa borne audio insolite, la jeune pousse grenobloise Losonnante a fait sensation sur le Village start-up du salon, où L’Alpes Tourisme Lab, dispositif créé par la French Tech in the alps Chambéry, Le Village by CA des Savoie, l’Incubateur de Savoie Technolac et le Cluster Montagne, mettait en avant sa troisième promotion. Cette borne utilise l’ostéophonie. Quesako ? Une technologie de diffusion du son par conduction osseuse, notamment les coudes et les poignets. Elle est par exemple à l’origine du développement du diapason au 18e siècle, de prothèses auditives ou plus récemment d’écouteurs, prisés des sportifs.
La conduction osseuse présente l’avantage d’offrir une grande clarté sonore dans les environnements extérieurs, souvent bruyants. C’est le LabEx ITEM (Innovation et Territoires de Montagne), à l’Institut de Géographie alpine à Grenoble, qui a fait de l’écoute par conduction osseuse un outil de médiation. La borne Losonnante est une innovation de rupture appliquée au tourisme, issue de recherches multi-disciplinaires (sciences physiques et des matériaux, sciences humaines et sociales, géographie, urbanisme, ergonomie, design, acoustique, scénographie…), impliquant le laboratoire PACTE, une unité mixte de recherche du CNRS à Grenoble, le Centre de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain (Cresson) et la start-up éponyme. Fondée il y a deux ans par Olivier Lebas et Fabien Rolland, cette dernière a été incubée par Linksium, société grenobloise d’accélération du transfert de technologies (SATT).
Au delà de son côté différenciant, l’expérience auditive qu’elle propose favorise l’attention, la mémoire et la concentration sur le contenu audio qu’elle propose, composé spécialement. Pour l’auditeur, pas besoin d’avoir un accessoire -écran, écouteurs, appli-, à la différence d’un QR Code. Plusieurs musées de la région ont déjà été séduits par cette expérience d’écoute immersive inédite, comme le Musée Château d’Annecy, le Musée archéologique Saint-Laurent et celui de l’Ancien Évêché à Grenoble ou encore Les Caves de la Chartreuse à Voiron. Une première application en montagne, où le hors ski est en plein essor, est imminente… Coût de ce dispositif à l’achat, 3500€ l’unité, sachant qu’il peut s’intégrer dans toutes sortes de supports, de la souche d’un arbre à la rambarde d’un pont, en passant par le mobilier développé par l’entreprise, capable de résister à des températures de 45°C à -25C). Il peut aussi se louer -idéal pour les installations temporaires-, pour 1000€ par mois environ.
Very Mountain : Activités montagne toutes !
Créée à Lyon il y a deux ans par trois fans de montagne, et venant d’intégrer elle aussi la dernière promotion de l’Alpes Tourisme Lab, Very Mountain est une plateforme en ligne de création de séjours muti-activités en montagne. Son originalité, partir des activités pour déterminer une destination. Celle-ci sera opérationnelle fin mai ou début juin, avec près de 500 activités différentes, répertoriées dans une quarantaine de destinations. L’offre d’hébergement suivra à la rentrée, ainsi que la location de matériel. « Le paiement se fera en un clic sur la plateforme », indique Martin Clément, l’un des trois associés fondateurs, précisant que Very Mountain prélèvera entre 10 et 15% de commission sur les ventes reversées aux partenaires. La jeune pousse espère vendre 200 séjours en année 1 et prévoit une deuxième levée de fonds dans un an -la première lui avait permis de réunir 170 000€-pour accélérer son développement.
Intence accélère
Cinq ans cette année pour l’éditeur de logiciels facilitant le parcours clients dans une destination touristique ou un parc d’attraction (billetterie, contrôle d’accès, géolocalisation, e-photo-services, analyse de données, par l’intermédiaire de différents supports comme smartphone, carte, bracelet RFID, QR Code). En mars dernier, l’entreprise fondée par Alexandre Magnat dans les Pyrénées, et dont le siège est désormais installé en Savoie, a bouclé une levée de fonds de 1,2M€ pour accompagner sa croissance rapide -elle va passer de 15 à 20 personnes- et son développement technique. A ses côtés le Crédit agricole des Savoie, BPRA et BPI France.
Elle compte à ce jour une quinzaine de parcs d’attraction et de destinations montagne. Parmi celles-ci, 32 sites nordiques des Alpes du Sud et Savoie Nordique, à qui Intence a mis en place le contrôle d’accès automatisé. Les domaines skiables de Val d’Isère et d’Avoriaz ont opté pour ses applications mobiles. La station des Saisies va utilise l’été prochain une solution comprenant une billetterie, un accès aux remontées mécaniques pour les piétons et les vététistes, ainsi qu’une carte multiactivités. C’est pour le Grand-Bornand, que la jeune entreprise planche sur une offre globale, dans la perspective de devenir une station intégrée. En 2022, le chiffre d’affaires d’Intence a atteint les 500 000€. Elle espère dépasser le million d’euros en 2023.
Wintersteiger fait briller les vélos
Leader mondial des machines d’entretien et de stockage des skis, Wintersteiger s’est diversifié sur le marché du vélo. A Alpipro, la filiale française du constructeur autrichien, installée à Alpespace en Savoie, présentait ses dernières stations de lavage, manuelle (Veloclean) et automatique (Velobrush), développées en partenariat avec Bosch et KTM, à destination des communes, des loueurs et des magasins de sport. Ces nouvelles générations sont particulièrement économes en eau, ressource en forte tension. La VélocleanPro n’a besoin que de trois à quatre litres d’eau pour nettoyer un vélo quand il en faut 20 pour un lavage haute pression ! La VéloBrush, modèle fermé et automatisé, lauréat d’un Ispo Award 2022, convient à tous les vélos, grâce à ses brosses rotatives horizontales douces et à la basse pression. Même les plus fragiles, notamment les électriques, jusqu’alors nettoyés manuellement. A la clé pour les loueurs, un sérieux gain de temps, puisqu’en 7 minutes le deux-roues ressort comme neuf ! Cet équipement a une capacité de lavage de 25 vélos par heure. La puissance de son système de filtration intégré permet d’optimiser la consommation d’eau.