Samoëns accueille d’aujourd’hui jusqu’au 15 janvier les championnats du monde de nage en eau glacée. Parmi les quelque 500 nageurs issus de 42 nations (dont 77 Français), on trouve l’Annécienne Bénédicte Bosson, 65 ans. Cette ancienne infirmière à la retraite a découvert la nage en eau froide il y a un peu plus de trois ans. Depuis, elle ne peut plus s’en passer. Portrait.
« Même si ça pique un peu au départ lorsqu’on nage dans une eau à 4 degrés, je me sens très bien dans l’eau froide. Je sens une chaleur glaciale qui est finalement très confortable, mais jamais de douleur. La clé, c’est vraiment d’y aller rapidement, sans tergiverser. Il faut mettre les épaules sous l’eau et tout de suite commencer à nager. Après 50 à 100 mètres, je ressens les bonnes sensations et le bien-être que l’eau glacée me procure”.
Plaisir, bien-être… sont des mots qui reviennent très souvent dans la bouche de Bénédicte Bosson lorsqu’elle évoque la nage en eau froide / eau glacée (on parle « d’eau glacée » de 0 à 4,9 °C et « d’eau froide » de 5 à 10 °C). Certes, alors que la règle de base communément admise est plutôt de ne pas dépasser une minute par degré (on peut demeurer cinq minutes dans une eau à 5°C, six minutes à 6 °C, etc), l’ancienne infirmière, avec l’habitude, peut facilement « rester jusqu’à trois fois plus longtemps. Il m’est même arrivé de nager pendant 55 minutes dans une eau à 8 °C. Mais en général, dans une eau à 6 ou 7 degrés, je reste au maximum trente minutes. Je ne connais pas encore mes limites, et de toute façon mon but n’est pas de les atteindre. »
C’est un peu par hasard que l’Annécienne d’adoption (originaire de Châlon-sur-Saône, elle est arrivée dans la « Venise des Alpes » en 1979) a découvert la nage en eau glacée, en décembre 2019 à l’occasion des « Water Family Days », un événement visant à sensibiliser le grand public à la préservation de la ressource en eau. « J’ai été opérée du genou, et le lac m’est apparu comme une évidence pour renforcer la rééducation de mon genou dans l’eau en février 2020. A force de marcher dans l’eau, mon genou a fini par se remuscler. Et c’est en novembre 2020, avec l’association Annecy Eau Libre, que j’ai véritablement découvert la nage en eau froide. » Tout au long de l’année, Bénédicte apprécie particulièrement l’ambiance conviviale et la philosophie d’Annecy Eau Libre, « où on nage tous ensemble, sans pression, avec ou sans palmes. Je nage avec palmes de mars à fin octobre, ce qui me permet de pouvoir suivre les jeunes (qui sont eux sans palmes) et d’être à l’aise dans le groupe. Y compris sur des longs périples, comme début septembre lorsque nous avons fait le tour du lac d’Annecy en autonomie, soit 34 km en deux jours (18 km le samedi et 16 km le dimanche). J’aime le partage et la simplicité des relations avec les autres nageurs. »
Si elle n’aurait pas forcément imaginé, il y a trois ans, qu’elle disputerait les championnats du monde de nage en eau glacée, l’ancienne infirmière a néanmoins toujours entretenu un rapport privilégié avec l’élément liquide. « J’ai fait de la natation en compétition entre 13 et 17 ans. J’ai aussi pratiqué la plongée sous-marine et même passé le monitorat dans cette discipline, vers 40 ans. Je restais déjà 35 minutes sous l’eau l’hiver avec une combinaison de 7 mm (contre 3 mm en été), à environ 40 mètres. A cette profondeur, dans le lac d’Annecy, l’eau est toujours à 4°C, quelle que soit la saison. »
Ses conseils pour pratiquer la nage en eau glacée ? « Il faut y aller progressivement. C’est-à-dire qu’il est important de nager régulièrement, dès l’automne, au fur et à mesure que la température du lac descend. » Bénédicte Bosson insiste aussi sur les règles de sécurité à suivre : « Il ne faut jamais nager seul(e), et toujours se surveiller mutuellement. Avec le froid, on peut parfois avoir l’impression de nager vite alors qu’on fait quasiment du surplace ! L’endormissement peut aussi survenir sans vraiment qu’on s’en rende compte. C’est pourquoi on demande régulièrement aux autres comment ils se sentent, afin de pouvoir les faire sortir de l’eau rapidement si on sent qu’ils ne vont pas bien. Il est important d’être attentif à tous les signes d’hypothermie (membres engourdis, respiration plus saccadée…). Il faut aussi se méfier de la sortie de l’eau. Pendant les cinq minutes qui suivent, avec la sécrétion d’endorphines, il y a une sorte de phase d’euphorie – on parle de « lune de miel ». Il faut impérativement se rhabiller pendant ce temps-là, avant de sentir les tremblements physiologiques qui surviennent après pour permettre au corps de se réchauffer. Si on attend, c’est beaucoup plus compliqué. » Concernant la sécurité, il faut d’ailleurs savoir que sur les compétitions, en longue distance (500 m et 1000 m), chaque nageur est suivi en permanence par un « chaperon », prêt à intervenir s’il voit « qu’on ne nage plus vraiment droit ou qu’on ralentit trop. »
Qualifiée sur ces mondiaux de nage en eau glacée grâce aux minimas qu’elle a réalisés sur les championnats de France à Megève au mois de décembre, la sexagénaire disputera cinq épreuves à Samoëns : le 100 m nage libre, le 250 m nage libre et le 500 m nage libre en individuel, ainsi que les relais 4 x 50 m nage libre et 4 x 50 m 4 nages. Sur ces derniers, elle évoluera avec ses camarades d’Annecy Eau Libre, et notamment Karine Bui-Xuan Picchedda, avec qui elle nage régulièrement et qui lui a fait découvrir les compétitions, et l’a motivée pour ces championnats du monde. « On doit être six ou sept dans ma catégorie – femmes 65-69 ans – donc je me dis que j’ai peut-être une chance de monter sur le podium. Mais ce ne serait que la cerise sur le gâteau. J’ai simplement envie de me faire plaisir. Et puis, pour l’anecdote, j’aurai forcément une pensée pour mon arrière-arrière grande tante Henriette d’Angeville, première femme à gravir le Mont Blanc en pleine autonomie, en 1838, alors qu’elle avait 44 ans. La « fiancée du Mont Blanc » a achevé sa carrière d’alpiniste le 3 août 1863 à 69 ans, après 21 courses dans les Alpes. Elle est décédée en 1871 et avait pour devise « Vouloir, c’est pouvoir ! », devise que je partage totalement.”
Martin Léger
Photo de une : Bénédicte Bosson © Annecy Eau Libre