Si les Vallons de La Meije sont si mythiques, c’est parce qu’il s’agit d’un domaine skiable presque intégralement hors piste. Ici, il n’y a ni déclenchement préventif d’avalanche, ni jalons, ni pisteurs comme dans une station « classique », mais des « patrouilleurs » qui sont là pour renseigner les skieurs sur les conditions et pour prendre la décision d’ouvrir ou non le domaine au sein d’une commission de sécurité chapeautée par Pascal Guiboud, le guide de veille.
« J’adore mon rôle de guide de veille parce qu’il n’existe pas d’équivalent ailleurs dans le monde. Chaque hiver, on invente notre travail, on imagine des outils pour progresser. Ce côté pédagogique est très intéressant. Si j’ai choisi le métier de guide, c’est pour être confronté été comme hiver à la nature, la comprendre, savoir renoncer quand elle est hostile. Placer cet environnement naturel au centre de nos préoccupations est essentiel dans notre philosophie, ici à la Grave », explique Pascal Guiboud, 55 ans, dont 15 comme guide de veille.
Ce passionné est le référent sécurité du maire de la Grave, chargé de « rester en vigilance sur les conditions du terrain ». S’il arpente quasiment quotidiennement à ski les Vallons de la Meije et Chancel – les deux itinéraires principaux de descente – et toutes leurs variantes, Pascal Guiboud s’appuie aussi sur une équipe de trois « patrouilleurs » (le nom qu’on donne ici aux pisteurs, et dont les attributions sont un peu différentes que sur un domaine skiable classique) et sur tout un réseau de professionnels (guides, moniteurs de ski,etc). « Dès lors que le BERA – bulletin d’estimation des risques d’avalanche – passe de 2 à 3 (soit de risque « limité » à « marqué »), je suis tenu de convoquer une Commission d’Estimation des Risques (CER), au sein de laquelle interviennent les guides, les patrouilleurs, le maire et son premier adjoint, les moniteurs de ski, le pisteur du glacier et les responsables de la SATG – l’exploitant des téléphériques. Cette CER décide d’ouvrir ou non le domaine », explique Pascal Guiboud.
Une commission de sécurité tous les trois jours en moyenne
Concrètement, tout ce petit monde se retrouve à 7h30 sur la terrasse du téléphérique, monte jusqu’à 3200 m (à l’arrivée du deuxième tronçon du téléphérique) et effectue la descente à skis pour jauger les conditions. Celle-ci répond à un protocole de sécurité très poussé (double check DVA, toujours en binôme voire en trinôme,etc), en évitant les zones trop exposées. « La philosophie, c’est d’aller prendre l’info sur un terrain pas trop dangereux, et de l’extrapoler à un terrain qui pourrait l’être. Après, si dès qu’on sort à 3200 m on s’enfonce jusqu’aux hanches avec une visibilité nulle, on redescend directement en téléphérique et on ferme le domaine. Et on est équipé en ski de randonnée avec des peaux de phoque dans le sac, de façon à pouvoir remonter si on estime que les conditions sont trop dangereuses. »
Après la descente sur le terrain, les membres de la CER se réunissent dans une salle en bas pour prendre leur décision, après un à trois tours de table. « Je fais toujours parler les moins expérimentés en premier, pour ne pas biaiser le tour de table. Et il suffit que l’un d’entre nous estime que la situation est dangereuse pour qu’on décide de fermer. » En moyenne sur un hiver « normal », la CER se réunit une quarantaine de fois (une tous les trois jours environ), pour cinq ou six décisions de fermeture. Lorsque le domaine est ouvert, Pascal Guiboud et les patrouilleurs vont informer les skieurs sur les conditions : « On se veut pédagogique, afin que la personne qui vienne ici puisse appréhender ce qu’est la montagne naturelle, qu’elle se pose les bonnes questions et qu’elle dispose des bons outils pour s’améliorer dans la compréhension de cet environnement », conclut le guide de veille.
Martin Léger