Le Musée dauphinois retrace l’histoire du gant de Grenoble

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Fait main. Quand Grenoble gantait le monde est le titre de la nouvelle exposition temporaire du Musée dauphinois à Grenoble. Plus de 40 ans après celle intitulée La Main du gantier, qui a fait date, notamment par sa durée – de 1978 à 1986-, elle ravive la mémoire de l’une des grandes activités manufacturières de Grenoble et de l’Isère jusqu’au milieu du XXe siècle.

Grenoble fut entre 1850 et 1930, l’un des plus importants bassins de production dans le monde du gant de luxe féminin. Réalisé à partir de peau de chevreau, dont l’élevage se développe dans les alpages des massifs environnants et même au-delà pour répondre à la demande, il est un élément essentiel de l’habillement des femmes de la bonne société (l’agneau, moins fin, est réservé au gant masculin, spécialité de la ville de Millau).

Atelier de la ganterie Jay en 1924 ©Collection Musée dauphinois-Département de l’Isère

De la Belle Epoque jusqu’aux années 40, des dizaines de milliers de personnes travaillent dans cette activité, passée du stade artisanal à l’échelle industrielle, avec l’invention dans les années 1830, de la main de fer par le gantier Xavier Jouvin. Il s’agit d’un emporte-pièce à la taille et à la forme permettant de découper six gants à la fois. Un exemplaire d’époque est présenté dans l’exposition.

Pendant un siècle, une famille sur deux à Grenoble et alentours vit de la ganterie, première activité économique de l’Isère durant plusieurs décennies. Des couturières et des coupeurs venus d’Italie, d’abord originaires de Milan ou de Naples, viendront renforcer les effectifs face au besoin de main-d’œuvre de cette industrie florissante. Parmi eux, les futurs fondateurs de ganteries artisanales, dont les héritiers seront les gardiens du temple.
Au XIXe siècle, les gantiers font partie des notables de la ville, occupant souvent des fonctions importantes dans la vie politique locale. Plusieurs d’entre eux deviendront maires de Grenoble, comme Ernest Calvat, Edouard Rey ou Stéphane Jay.

Trophée offert à Valérien Perrin (1851-1935) à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’agence américaine qu’il a fondée, les Etats-Unis étant avec la Grande-Bretagne le premier marché d’exportation du gant de Grenoble

Durant son âge d’or, le gant de Grenoble, véritable seconde peau, s’exporte dans le monde entier. « Les gantiers grenoblois, à l’image de Perrin et Jouvin, vendent leurs produits dans les boutiques des plus belles avenues du monde, à Paris comme à New-York », rappelle Olivier Cogne, directeur du Musée dauphinois qui conserve des centaines de paires de gants dans ses réserves.

Gants en chevreau blanc brodés de la maison Perrin 1929-1930 Fonds Perrin, coll. Musée dauphinois-Département de l’Isère

L’idée d’une exposition pour les montrer au public et de faire (re)découvrir son histoire au musée départemental, est lancée en 2017. Les dernières générations de Grenoblois ne mesurent pas l’importance qu’avait la ganterie dans la capitale des Alpes, où il ne reste plus qu’une maison – la ganterie Lesdiguières-Barnier- et un bâti jouissant d’une seconde vie.

« Son rôle est aussi méconnu dans l’émergence d’autres industries lorsque la ganterie commence à décliner avec le changement des habitudes vestimentaires sous l’effet de l’émancipation des femmes ou encore la concurrence asiatique », souligne Olivier Cogne, également commissaire de l’exposition. A partir des années 30, les ganteries se diversifient, dans la lingerie, comme Perrin qui fonde Valisère (rachetée en 1990 par le Suisse Triumph) ou se reconvertissent dans l’immobilier. Leurs fournisseurs évoluent de facto, comme Albert Raymond, l’inventeur du bouton-pression pour les gants. Le groupe familial s’est imposé comme l’un des leaders mondiaux des systèmes d’assemblage et de fixation pour l’automobile, la santé ou l’agriculture.

Jean Strazzeri, dernier maître gantier grenoblois, dans son atelier de Fontaine, dont le patronyme traduit l’importance de la communauté italienne dans le savoir-faire et la préservation de la ganterie grenobloise, patrimoine vivant ©Denis Vinçon/Collection Musée dauphinois-Département de l’Isère

Fait main. Quand Grenoble gantait le monde implique de nombreux acteurs, dont l’Association de sauvegarde et de promotion du gant de Grenoble et la ganterie Lesdiguières-Barnier, fusion de deux anciennes entreprises par Jean Strazzeri, l’un des derniers maîtres gantiers en France. Le Musée dauphinois a également sollicité Audrey Colonel-Coquet, doctorante en histoire contemporaine à l’Université de Grenoble-Alpes. Elle achève une thèse dirigée par l’historienne Anne Dalmasso sur l’histoire des ganteries grenobloises, de la Révolution à nos jours. Les deux historiennes, qui co-signent l’ouvrage accompagnant l’exposition (Glénat), viennent également de terminer le manuscrit d’un Dictionnaire des gantiers et des ganteries. Elles recherchent des financements pour éditer cet outil de connaissance et de compréhension d’un univers spécifique, à la fois laborieux et glamour. Gageons que ce parcours à la scénographie inspirée de l’univers du théâtre et de la mode draine des visiteurs à l’âme mécène !

Dans le parcours de l’exposition, l’ambiance intimiste et chic d’une boutique de gants a été reconstituée

Jusqu’au 23 mars 2023, tous les jours sauf le mardi. Entrée gratuite. Plusieurs animations autour l’exposition, dont des visites-guidées avec démonstration de fabrication de gants avec l’Association de sauvegarde et de promotion du gant de Grenoble et la ganterie Lesdiguières-Barnier.

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