Les Tairraz au musée de l’Ancien Évêché : la montagne en images de père en fils

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Le musée de l’Ancien Évêché, à Grenoble, présente la première véritable rétrospective consacrée aux Tairraz, grands noms de la photographie de montagne. De 1850 à la fin du XXe siècle, ces quatre générations de guides photographes de Chamonix ont façonné un regard universel sur les Alpes. L’essentiel de cette exposition avec Sylvie Vincent, conservatrice-en-cheffe et directrice du musée de l’Ancien Évêché, membre du réseau des onze musées gratuits du Département de l’Isère.

En quoi l’exposition Tairraz, quatre générations de guides photographes, présentée jusqu’au 1er septembre prochain, est-elle exceptionnelle ?
Sylvie Vincent : C’est la première fois qu’autant de photographies des Tairraz -120- sont rassemblées dans un musée, montrant la filiation depuis Joseph (1827-1902), le pionnier de la famille, jusqu’à Pierre, le dernier de la lignée (1933-2000). Il existait une petite exposition pensée et conçue par Pierre Tairraz sur ce sujet, que ses deux filles ont montré dans plusieurs villes. Mais, comme elles le disent elles-mêmes, elles l’ont fait à une échelle artisanale. Méconnue du grand public, cette incroyable dynastie de guides et photographes de montagne, aux clichés iconiques, méritait une véritable rétrospective ! Les Tairraz font en revanche référence chez les photographes de montagne. Tous louent le « regard Tairraz ».

Quel est ce regard qu’ils ont chacun enrichi ?
S.V. : Pour les photographes de montagne, le regard Tairraz, c’est celui de l’œil absolu sublimant la montagne. Pendant 150 ans, les Tairraz font du massif du Mont-Blanc le terrain de prédilection de leurs prises de vue. Par leur connaissance et leur pratique de la haute montagne -Joseph, Georges I et Georges II sont guides, Pierre est aspirant-guide-, ils arrivent à capter les ambiances, les lumières ou encore les verticalités pour les restituer avec une incroyable justesse et intensité. Les 120 photographies extraites du fonds de 15 000 clichés que gèrent les filles de Pierre, sont révélatrices de leur art, dont l’esthétique est dédié non pas à l’exploit sportif, mais à la beauté de la montagne.

Tout part de Joseph. Qui est-il ?
S.V. : C’est un autodidacte en photographie, fils d’une vieille famille de Chamonix d’origine paysanne, où comme dans beaucoup d’autres, l’on est pluriactif. Membre de la compagnie des guides, Joseph emmène en montagne une riche clientèle étrangère. C’est probablement à son contact qu’il s’intéresse à la photographie et acquiert une chambre noire. Dès la fin des années 1850, il la monte en altitude. Et révèle alors au grand public des vues époustouflantes et inédites pour l’époque, du glacier des Bossons ou de celui de Tacconaz. Les spécialistes estiment que les frères Bisson et Joseph sont sans doute ceux qui ont réalisé les premières prises de vues depuis le sommet du mont-Blanc en 1861, et non pas Charles Soulier presque dix ans plus tard. Mais ces clichés, conservés dans la cave familiale, ont disparu, probablement dans les inondations de 1920, comme d’ailleurs une partie de ceux de son fils Georges I.

Quid de Georges I, Georges II et Pierre ?
S.V. : Fils de Joseph, Georges I (1868-1924) se forme à la photographie auprès du portraitiste Pierre Petit, un ami de Nadar. Il affectionne les grands formats. Avec lui, on entre dans la composition. Il immortalise également les débuts des sports d’hiver à Chamonix. Son fils, Georges II (1900-1975), -qui se destinait à la médecine-, choisit de devenir guide à son tour et d’assister son père. Il va renouveler l’image de la photographie de la montagne. Avec son Leica, ce passionné des hauts sommets gagne en liberté de mouvement par rapport à ses aînés. Il va notamment suivre Gaston Rébuffat dans toutes ses ascensions, et aller dans des lieux incroyables. Une grande poésie se dégage de ses photos, qui subliment vraiment la montagne. Il devient aussi cinéaste, tout comme son fils Pierre, passé par deux grandes écoles spécialisées à Paris. Les prises de vue de ce dernier ont presque une dimension spirituelle. Il fait aussi entrer la couleur dans la production Tairraz.

Les expositions temporaires du musée de l’Ancien Évêché sont toujours reliées à son territoire. Quels sont le(s) lien(s) des Tairraz avec Grenoble ?
S.V. :
Évidemment les Alpes, mais pas seulement. Grenoble est aussi le berceau de la maison Arthaud, pionnière dans l’édition de livres de montagne (chez Flammarion depuis 1977). Elle a publié les ouvrages de Roger Frison-Roche -dont Premier de Cordée en 1941- et de Gaston Rébuffat -dont Étoiles et tempêtes en 1954-, auxquels Georges II et Pierre ont collaboré régulièrement par l’image, sans compter les ouvrages que Georges II et Pierre Tairraz ont eux-mêmes consacré à la montagne (également aux éditions Arthaud).

Pratique : pour le jeune public, un livret jeux est à disposition à l’accueil et divers ateliers enfants et famille sont proposés pendant les vacances scolaires. En juillet 2024, atelier hors les murs sur la faune alpine au Muséum de Grenoble.

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