Même si le fromage haut-savoyard n’a pu fêter comme il se doit les 30 ans de son AOP (Appellation d’Origine Protégée), crise sanitaire oblige, l’année 2020 est exceptionnelle à au moins deux titres pour l’Abondance. En effet, non seulement cette pâte pressée mi-cuite au lait cru a atteint une production record avec près de 3500 tonnes -elle n’était que de 350 t en 1991-, mais le Berthoud, recette traditionnelle originaire du Chablais, à base d’Abondance, a été reconnue Spécialité Traditionnelle Garantie (STG). Une première en France pour un plat cuisiné. Ce signe officiel de qualité et d’origine est une victoire pour le SIFA, Syndicat interprofessionnel du fromage Abondance. En effet, celui-ci déplorait que trop d’établissements dans les Alpes galvaudaient cette recette née dans le Chablais, en la servant dans un plat à gratin et non un ramequin individuel, ou encore pire, sans fromage Abondance !
Cette AOP des Savoie, dont le berceau est la vallée qui lui a donné son nom en Haute-Savoie, représente une filière réunissant 163 producteurs de lait. Plus de 70 d’entre eux transforment sur place leur production en Abondance fermier (pastille verte), les autres livrent leur lait à la douzaine de coopératives répartie dans l’aire géographique où est fabriqué l’Abondance laitier (pastille rouge).
En déclin jusque dans les années précédant l’obtention de l’AOP, le fromage Abondance connaît depuis une forte dynamique, que la crise du Covid-19 n’a pas stoppée. “Nous avons eu très peur au premier confinement, avec la fermeture des rayons coupe en grande distribution où 2/3 de notre fromage est vendu, mais avons vite réagi pour éviter les stocks et l’effondrement des prix”, explique Joël Vindret, responsable administratif du SIFA. Encadrement des volumes et dons de meules aux hôpitaux, au SDIS et à la Banque alimentaire ont été parmi les initiatives les plus notables. Avec des vacances d’été où les touristes ont été largement au rendez-vous dans les Savoie, les craintes se sont envolées. Les locaux, premiers amateurs, ont aussi bien joué le jeu, permettant de maintenir les ventes de ce fromage dont l’avenir reste prometteur, avec le renouvellement des générations, une notoriété en hausse, dopée par des campagnes de communication décalées et accrocheuses. Les freins sont comme pour les autres fromages sous signe de qualité fabriquées dans les deux Savoie, notamment le Reblochon et le Beaufort, le problème de la pression foncière et le coût de plus en plus élevé des exploitations agricoles, sans compter la dureté du métier.