La Cie du Mont-Blanc veut réenchanter le parcours du skieur

Après un hiver 2018-2019 compliqué en raison d’une série d’avaries d’origines diverses, la Compagnie du Mont-Blanc fait preuve de résilience. Pour cette saison, les réservations sont encourageantes et les investissements vont bon train, guidés par la volonté d’optimiser le parcours client. Rencontre avec Mathieu Dechavanne, président du numéro deux des exploitants de remontées mécaniques en France.

Actumontagne : Cette saison, la Compagnie du Mont-Blanc (CMB) a investi plus de 40 millions d’euros dans l’équipement des domaines skiables dont elle est délégataire. Quelle est la principale nouveauté ?
Mathieu Dechavanne : La nouvelle télécabine de La Flégère. Elle remplace un téléphérique qui datait de 1956. Le débit de la nouvelle télécabine Doppelmayr avoisine les 2000 personnes/heure contre 450 auparavant. Ce gros porteur représente un investissement de 20,5 M€. Un montant conséquent en raison des coûts de génie civile très élevés en vallée de Chamonix, liés à la topographie des lieux. Nous avons aussi entièrement reconstruit la gare de départ de La Flégère, particulièrement design, dans laquelle le hall d’accueil est très ouvert et très digital, avec des bornes de vente interactives et de nombreux écrans d’information. [Les agents d’accueil vont aller vers les clients pour une relation plus dynamique et pour humaniser leur parcours d’achat et d’information. Ce dispositif pilote sera ensuite dupliqué sur nos autres sites, notamment au Tour où le changement de la nouvelle télécabine de Charamillon est en bonne voie, après six ans de blocage].

Actumontagne : Du nouveau également du côté de Vallorcine ?
MD : Oui, la construction d’un téléski de 600 m de long qui permet de rejoindre directement le versant Balme depuis le sommet de la télécabine de Vallorcine.

Mathieu Dechavanne, PDG de la Compagnie du Mont-Blanc ©DR

Actumontagne : Pendant l’été vous avez consolidé la télécabine de Bochard aux Grands Montets. Quel est le problème avec cette remontée mécanique qui a fait couler beaucoup d’encre ?
MD
: La saison dernière, nous avons dû fermer préventivement pendant cinq semaines cette télécabine située à 2800 mètres sur le domaine des Grands Montets, suite à des problèmes de fonte du permafrost. Un coup dur pour le site déjà fortement impacté par la fermeture du téléphérique après l’incendie de la gare de Lognan en septembre 2018. On évalue la baisse de fréquentation de ce domaine skiable à 30%. L’été dernier, nous avons donc effectivement engagé d’important travaux de consolidation de la télécabine de Bochard pour un montant d’1,2M€ non prévu ! Nous l’avons sécurisée pour les 20 prochaines années !

Actumontagne : L’accélération de la fonte du permafrost vous inquiète-t-elle ?
MD : Nous prenons très au sérieux ce phénomène. C’est un vrai problème, mais nous le gérons et nous nous adaptons. Il faut être honnête, nous ne pensions pas être confrontés à la fermeture d’une télécabine en plein hiver et à 2800 mètres d’altitude ! Il y a une accélération indéniable du réchauffement climatique. Mais il faut raison garder. Nous comprenons l’inquiétude de gens. Nos équipes sur le terrain font un important travail de pédagogie et d’information. Cette saison, nous publions un magazine pour mieux dire qui nous sommes et ce que nous faisons. Je veux dédramatiser le débat. La montagne, ce n’est pas que des avalanches, des chutes de pierres ou de la pollution. C’est aussi la majesté des paysages, une émotion, et quand on fait du sport, un voyage au bout de soi-même.

Un nouveau look et plus de confort avec la nouvelle télécabine de la Flégère ©Joëlle Bozon

Actumontagne : La CMB est montée dans le capital de la société d’exploitation des restaurants d’altitude de Chamonix. Pourquoi ?
MD : Cela nous permet de maîtriser le parcours client. Si on est un acteur du début à la fin, c’est plus facile de contrôler la chaîne de valeurs. D’ici à cinq ans, la CMB sera même majoritaire dans cette société. Nous avons également augmenté notre participation dans le capital de la société d’exploitation de l’hôtel du Montenvers, après le départ du groupe Sibuet. Nous l’avons d’abord racheté en intégralité puis revendu 60% de son capital au groupe Best Mont-Blanc. Cela nous permet d’avoir du poids dans la stratégie et les décisions des gestionnaires.

Propos recueillis par Sophie Chanaron

Téléphérique des Grands Montets : pas avant 2023
C’est en effet en 2023 au mieux, que le téléphérique des Grands Montets, endommagé par un incendie en septembre 2018, pourrait rouvrir après sa reconstruction. Le projet envisage un système de transport 3S pour le deuxième tronçon entre Lognan et le sommet des Grands Montets, la partie du bas conservant le principe d’un téléphérique. L’aménagement est suspendu aux autorisations de la DREAL ( Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) en raison de son implantation dans le site classé du Mont-Blanc. Il faut aussi compter au minimum deux ans de travaux dans un lieu difficile d’accès, sans eau, ni électricité.

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