A l’occasion de la Journée internationale d’observation du gypaète barbu, le samedi 11 octobre, nous sommes allés à Peisey-Nancroix, dans le Parc national de la Vanoise, terre de prédilection du gypaète barbu. L’occasion de suivre celles et ceux qui oeuvrent tous les jours à la sauvegarde du plus grand rapace européen, avec l’aide de l’Europe.
“Le gypaète est un animal qui ne laisse pas indifférent. Une fois qu’on en a vu un, on est accro”, prévient avec malice Henri Suret, agent au Parc national de la Vanoise, à l’antenne vallée de la Tarentaise. Il faut dire que cet oiseau de feu en impose à plus d’un titre, même face à l’aigle royal, le membre le plus connu de la famille des vautours, à laquelle il appartient. Un adulte affiche sur la balance entre 5 et 7 kg, et frise les 3 mètres d’envergure ailes déployées ! Il fascine aussi les observateurs par son plumage qu’il colore en barbottant avec délice dans les flaques d’eau ou de boues ferrugineuses. Ce maquillage 100% naturel est une arme de séduction massive lors des parades nuptiales, en l’occurence à l’automne, période propice pour observer ce géant des airs.
8 couples reproducteurs dans les Alpes françaises
Flashback. Le gypaète a été réintroduit dans les Alpes à partir de 1986 dans le cadre d’un programme international. Il semble porter ses fruits. Aujourd’hui, on compte dix couples de gypaète barbu dans les Alpes françaises, dont huit reproducteurs : un dans le Mercantour, trois en Haute-Savoie et quatre en Savoie, en Vanoise précisément, où le gypaète a fait un retour spontané au début des années 90. Les quatre couples reproducteurs savoyards nichent à Val d’Isère, à Termignon, à Bessans et à Peisey-Nancroix.
Dans cette dernière commune, il a élu domicile dans des parois rocheuses, tout près du parking du refuge de Rosuel. Cet animal sauvage, pourtant exterminé par l’homme au XIXe sièce pour qui il incarnait le Diable, ne semble donc pas effarouché plus que ça par les activités humaines des lieux, majoritairement touristiques et agricoles. Selon divers témoignages, il n’est d’ailleurs pas rare que les gypaètes empruntent les mêmes courants ascensionnels que les parapentistes, ou qu’ils planent à quelques dizaines de mètres au-dessus des équipes travaillant sur l’aménagement et l’entretien des pistes. “On en voit très régulièrement”, confirme Léo Tixier, référent visualisation des câbles aériens dangereux pour les oiseaux en montagne chez ADS, Les Arcs Domaine Skiable.
Les câbles, parmi les dangers majeurs pour ce charognard
L’exploitant des pistes des Arcs et de celles de Peisey-Vallandry fait partie du réseau des partenaires du Parc national de la Vanoise, impliqués dans la protection du “casseur d’os”. Car la présence sur le territoire de celui qui doit son surnom à sa nourriture composée à 80% d’os, principalement d’ongulés, demeure fragile. La preuve, l’an dernier, le dérangement du couple de Peisey pendant la nidification, a fait avorter leur reproduction pour 2014. Il faut donc continuer à mener des opérations de sensibilisation auprès des différents publics, exploitants, agriculteurs, randonneurs, skieurs ou encore parapentistes. Le Parapente Club de Haute-Tarentaise est aux avants-postes sur le sujet, auprès des fans de vol libre. “Il faut aussi oeuvrer pour limiter la mortalité accidentelle des adultes, notamment par parcussion de câbles aériens ou par intoxication qui freine l’essor de la population”, souligne Henri Suret.
1,8 million d’euros pour la protection des oiseaux emblématiques
Le programme européen Life GypHelp, dans lequel le Parc national de la Vanoise s’est engagé en juin dernier, est coordonné par Asters, le Conservatoire des espaces naturels de Haute-Savoie. Cet organisme accueille l’unique centre français d’élevage et de soin du gypaète barbu. Le programme Life devrait aider à consolider la population du gypaète sur la durée et limiter la mortalité de l’espèce. Il court de 2014 à 2018, et va permettre, grâce à une enveloppe de l’ordre de 900 000 € de Bruxelles, et autant de la Région Rhône-Alpes, la DREAL et ERDF, de prolonger les nombreuses actions déjà entreprises. Notamment en matière de réduction des risques de percussion et d’électrocution dans les câbles des grands rapaces. Parmi eux, le gypaète barbu, mais aussi les galliformes, comme le trétras-lyre, espèces emblématiques de nos montagnes.
400 observateurs professionnels et bénévoles
“En partenariat avec les domaines skiables, ERDF Savoie, la LPO et les parcs naturels régionaux des Bauges et de Chartreuse, 95 infrastructures sont à ce jour équipées en Vanoise”, indique Sandrine Berthillot, chargée d’études au PNV. Cette spécialiste mondiale des dispositifs de visualisation avifaunes va pouvoir continuer à sensibiliser les exploitants sur le sujet, et à leur apporter son appui technique pour la mise en oeuvre des dispositifs de visualisation. Celle-ci n’est pas anodine en terme de coûts. Chez ADS, sur les 52 appareils que compte le domaine skiable, 15 sont équipés de dispositifs avifaunes. Soit 11 km de câbles et beaucoup de manutention humaines à la clé pour les déposer.
Le programme Life va permettre de faire des mesures de l’efficacité des actions de protection sur l’évolution de la population des gypaètes dans l’arc alpin, et notamment en Vanoise. Henri Suret et Sandrine Berthillot font partie d’un réseau de 400 personnes, professionnels et bénévoles, répartis sur tout l’arc alpin. Des inconditionnels qui veillent à distance sur le gypaète barbu, sentinelle de la biodiversité de nos territoires.
Sophie Chanaron
A voir la bande annonce du film Des gypaètes et des hommes de Mathieu Le Lay (2011) http://www.mathieulelay.com/des-gypaetes-et-des-hommes/
photo en Une : gypaète adulte ©François Brun/Les Alpes en images