Les Sociétés d’Exploitation des Remontées Mécaniques d’une quarantaine de stations de ski de Haute-Savoie ont décidé de se lancer collectivement dans une démarche environnementale. A la clé, la certification Iso 14001 de leurs domaines skiables. Rencontre avec Pierre Lestas, directeur de la Satelc qui gère le domaine skiable de La Clusaz, l’un des artisans de cette opération, menée par la section haut-savoyarde du SNTF*, avec le soutien financier du Conseil général.
actumontagne.com : Pourquoi cette démarche environnementale collective ?
Pierre Lestas : L’environnement est une préoccupation majeure du Syndicat National des Téléphériques de France. Dans la foulée du Grenelle de l’environnement et sur la base de la Charte Nationale en faveur du Développement Durable dans les stations de montagne, rédigée par l’Association nationale des maires de station de montagne, notre organisation nationale a pris plusieurs initiatives. La section du SNTF Haute-Savoie veut traduire tous ces engagements sur le terrain, par des actions concrètes et en associant tous ses adhérents. Nous avions déjà choisi d’opérer collectivement pour que les plus petites de nos entreprises obtiennent la certification qualité. Une démarche initiée en 2003 et qui a abouti l’an dernier à la certification Iso 9001 de dix entreprises. D’une façon générale, notre volonté, c’est de travailler en équipe pour partager nos expériences. Certaines stations comme Avoriaz ou Les Gets sont déjà certifiées Iso 14 001, leurs conseils seront utiles aux autres. Cette démarche environnementale dépasse l’obtention même du certificat. Nous aussi, nous avons à cœur de préserver cette montagne où nous vivons et dont nous vivons. Notre génération doit faire cet effort pour nos enfants. Par ailleurs, nos clients vont être de plus en plus sensibles aux critères environnementaux qui, peu à peu, deviennent déterminants dans le choix des destinations touristiques.
actumontagne.com : Quelles actions concrètes allez-vous mener ?
P.L. : Lors de la construction de nouvelles remontées mécaniques, le critère environnement n’était pas ou peu pris en compte. Il sera désormais indispensable d’identifier l’empreinte écologique de ces projets pour en diminuer l’impact, dès les études préalables. Nous allons par exemple nous concerter avec les agriculteurs et les alpagistes afin de tenir compte de leurs contraintes. Le tri sélectif de nos déchets, huiles usagés, ferrailles, sera systématisé. Autre terrain d’action, celui qui concerne les engins de damage. Nous allons nous attacher à optimiser les temps de conduite, réduire les temps de ralenti des moteurs et rationaliser nos plans de damage.
actumontagne.com : Et côté neige de culture, de plus en plus décriée à l’heure où la ressource en eau est menacée, que comptez-vous faire pour que sa production soit compatible avec une démarche environnementale ?
P.L. : Je vais être très direct : si la neige disparaît, il n’y aura plus de stations de ski. Toutes les activités de substitution ne pourront jamais remplacer le ski, moteur du tourisme et des loisirs d’hiver. Les domaines skiables haut-savoyards réalisent un chiffre d’affaires de 230 millions d’euros et font vivre 4000 personnes, auxquelles il faut ajouter 20 000 emplois indirects ! Face au déficit d’enneigement, nous avons donc besoin de cette neige de culture. Certes, nous devons peut-être mieux faire et surtout mieux communiquer à son sujet. En ce sens, un guide de vulgarisation va être édité, destiné à éclairer le public. Nous allons généraliser les tableaux de suivi de production de neige pour éviter la surproduction. L’idée, étant de produire raisonnablement. Nous devons aussi améliorer nos réseaux en développant les dernières générations d’enneigeurs, moins gourmands en énergie et en eau. A la Clusaz par exemple, sur l’un des secteurs déjà équipés, nous avons replacé une dizaine d’enneigeurs. Les nouveaux produisent autant que les anciens, mais dans un laps de temps inférieur de 25%. Quant aux retenues collinaires, elles sont une vraie solution aux conflits d’usage de l’eau. En matière de neige de culture, je crois que les aspects financiers empêcheront de toute manière tout excès de la part des opérateurs.
actumontagne.com : Combien de temps vous donnez-vous pour obtenir la norme Iso 14001 ?
P .L. : Je pense que quatre ans est un délai raisonnable, compte tenu de l’impact de ce dossier, de la taille de nos entreprises et de leurs différences de statut. Ce délai permettra une meilleure répartition des charges. Pendant toute la durée de la procédure, une équipe de consultants spécialisés en management qualité, sécurité et environnement va assister les exploitants qui devraient être audités au printemps 2012.
actumontagne.com : Quelle est l’enveloppe nécessaire à la mise en place d’un système de management environnemental ?
P.L : L’enveloppe globale à l’échelle de notre massif est de 300 000 euros environ dont 280 000 euros financés par le Conseil général de la Haute-Savoie.
Propos recueillis par Sophie Chanaron
Les stations de Haute-Savoie en chiffre
8 massifs
45 stations
Une cinquantaine d’opérateurs (régies, sociétés d’économie mixte, sociétés privées…) qui réalisent un chiffre d’affaires de 230 millions d’euros (2006)
12 millions de journées skieurs
700 remontées mécaniques
*Syndicat national des téléphériques de France