Clément Jacquelin : « On est dans l’urgence »

Ancien biathlète de haut niveau (champion du monde junior en relais, en 2009) et frère aîné d’Emilien Jacquelin (champion du monde de poursuite il y a quelques semaines), Clément Jacquelin a délaissé pour un temps son activité d’ingénieur pour participer à la lutte contre le Covid-19. En lieu et place de crosses de carabines personnalisées, il s’est lancé – bénévolement – dans la fabrication de masques à partir d’imprimantes 3D, depuis son atelier installé à Villard-de-Lans.

Actumontagne : Comment vous êtes-vous retrouvé engagé dans la lutte contre le Covid-19 ?

Clément Jacquelin : Le 16 mars, la Commission Européenne a lancé un appel aux entreprises en mesure de fabriquer des masques et des ventilateurs. J’ai répondu sur Twitter que je disposais de dix imprimantes 3D pour cela. Il y a eu des partages sur les réseaux sociaux, et une plate-forme de crowfunding a été montée afin de financer l’achat de bobines de la matière nécessaire à la fabrication des masques. On a récolté 1000 € dès le premier soir. A partir de là, un frein psychologique a été levé, et plein de gens s’y mettent. C’est vraiment chouette de voir cet engouement.

© Clément Jacquelin

Quels types de masques fabriquez-vous ?

Il s’agit de masques d’hygiène, et non de masques chirurgicaux. Autrement dit, ce sont des masques qui peuvent servir par exemple aux commerçants, mais pas pour le personnel soignant dans les hôpitaux, étant donné qu’ils ne sont pas certifiés. Nous en avons envoyés à la Direction Générale des Armées, qui les teste en vue d’une éventuelle certification. Mais nous n’avons aucune idée du délai que ça pourrait prendre et s’il y aura ou non une certification. Nous en avons aussi fait essayer au personnel du CHU de Grenoble, qui les a trouvés très confortables, même s’ils ne peuvent pas l’utiliser dans le cadre de leur travail tant qu’il n’y aura pas de certification.

Comment se passe la fabrication de ces masques ?

On a commencé en utilisant une matière souple PLActive qui ressemble au plastique, elle est antivirale et antibactérienne, et permet de fabriquer une coque qui va prendre la forme du visage de la personne qui l’utilise. On insère ensuite des filtres (95% des particules filtrées) qui peuvent être changés régulièrement – toutes les quatre heures idéalement – rendant ces masques réutilisables. Je dis on car je fabrique ces masques en collaboration avec La Fabrique du Ski (un « petit » fabricant établi lui aussi à Villard-de-Lans). C’est encore une solution imparfaite, mais on est dans l’urgence.

© Clément Jacquelin

Comment et à qui livrez-vous ces masques ?

J’ai déjà distribué personnellement 64 masques lundi et 74 mardi, sur le plateau du Vercors, à la fois à des proches mais aussi à des médecins libéraux, des infirmières, des pharmaciens, des caissières,etc. A terme, on devrait pouvoir monter jusqu’à 300 masques fabriqués par jour. Nous avons beaucoup de demandes sur Lyon, Grenoble, Paris… Nous utiliserons également les réseaux de transport traditionnels. Je me suis aussi inscrit sur une plateforme qui met en relation les fabricants de dispositifs 3D de protection (masques, visières,etc) et les établissements de santé (mais aussi les commerçants, ouvriers et autres travailleurs) qui ont des besoin en la matière.

Une fois la crise sanitaire passée, pourriez-vous envisager de poursuivre cette activité ?

Honnêtement, je n’ai jamais réfléchi à cette question ! Là, tout ce qui m’importe, c’est de pouvoir être utile, à mon petit niveau, pour la lutte contre le coronavirus. En espérant avoir des réponses et des solutions rapides pour améliorer ces masques. Après, c’est sûr que c’est un domaine exigeant. Mais j’adore me confronter à de hauts challenges, comme lorsque que j’ai travaillé sur la carabine d’Ole-Einar Bjoerndalen (l’ancien biathlète norvégien, six fois vainqueur de la coupe du monde et huit fois champion olympique, entre autres). Mais encore une fois, il y a plus urgent actuellement.

Propos recueillis par Martin Léger

Photo de une : Clément Jacquelin, 30 ans, dispose de dix imprimantes 3D dans l’atelier d’Athletics 3D, société de fabrication de pièces pour des armes de précision (en particulier pour les carabines de biathlon) qu’il a fondée en décembre 2017 © Clément Jacquelin

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