Ueli Steck un extraterrestre ? Ueli Steck, une machine, en écho au surnom qui lui colle à la peau de The Swiss Machine ? A la lecture des exploits de l’alpiniste suisse, venu au 32e Festival international du film de montagne d’Autrans, la tentation est grande d’emboîter le pas des confrères. D’autant plus que le Bernois, a encore battu mi-novembre, le record de l’ascension de la face Nord de l’Eiger, que lui avait ravi, en 2011, son compatriote Dani Arnold. Grâce aux conditions exceptionnelles de cet automne et à sa technique hors norme, Ueli Steck a escaladé cette paroi qu’il a déjà gravie plus d’une trentaine de fois, en 2h22 et 50 secondes ! Epoustouflant.
Mais cet adepte de l’escalade de vitesse, qui se défent d’être un chasseur de records, est à Autrans pour montrer une autre image de lui. Celle qu’il livre dans son dernier livre paru cet automne aux Editions Guérin, 8000+, ou esquissée dans le film de Christophe Reylat et Bertrand Delapierre, On ne marche qu’une fois sur la lune (2014-Editions Guérin). L’ouvrage comme le documentaire dévoilent le portrait d’un homme volontaire et déterminé certes, mais aussi sensible et profond, lucide sur lui-même et ses tentations extrêmes. Il n’échappe ni aux doutes, ni à la mélancolie.
En chair et en os à Autrans, devant une salle de cinéma comble, preuve de la fascination qu’il exerce même auprès du grand public, Ueli Steck se révèle aussi accessible, attentif et surtout incroyablement modeste. Ainsi qu’un brin facécieux ! A une question d’un spectateur lui demandant ce qu’il pensait du film On ne marche qu’une fois sur la lune, qui recueille sa parole, ainsi que celles de la cordée Stéphane Benoist et Yannick Graziani après leur ascension respective de la face Sud de l’Annapurna en 2013, le Suisse répond tout sourire : “Je vais vous avouer une chose, je n’ai pas vu le film”. Non pas par désintérêt ou arrogance, mais parce qu’il se concentre sur ce qu’il fait et aime faire, gravir des sommets, escalader les parois. Le nombrilisme, le narcissisme, travers qui guettent certains de ses pairs, très peu pour lui. “Je n’ai pas de temps pour cela”. Entre ses entraînements deux fois par jour, course en montagne le matin, musculation l’après-midi, et ses obligations vis à vis de ses sponsors comme Petzl, dont il s’aquitte avec professionnalisme, il ne veut pas se perdre à contrôler son image. Le tout juste quadra ne décide pas ses ascensions en fonction des images qu’elles pourraient produire, au risque de prendre des risques. Son moteur, c’est le plaisir de grimper. Et on le croit volontiers. Au printemps, c’est le Shishapangma (8013m), le plus petit des quatorze 8000 mètres de la planète, au Tibet, qu’il compte à nouveau gravir par un nouvel itinéraire, en compagnie de l’Allemand David Goettler.
Sophie Chanaron