Du côté des opérateurs de domaines skiables, le rapport de la Cour des comptes ne passe pas. Le 14 mars dernier, la chambre professionnelle des remontées mécaniques a envoyé un courrier de 18 pages demandant des corrections sur 8 sujets précis du rapport. Parmi eux, ils demandent la suppression de l’indice de vulnérabilité et un jugement plus nuancé sur la diversité des stations de ski.
Un rapport largement repris dans les médias
Publié le 6 février dernier, après avoir été communiqué aux institutions concernées un mois plus tôt, le rapport de la Cour des comptes pointe la maladaptation des stations au réchauffement climatique, introduisant un indice de vulnérabilité des stations de ski. Il juge sévèrement la stratégie d’investissement dans la neige de culture et dans une diversification parfois menée à l’aveugle. La Cour des comptes s’intéressant aux finances publiques, elle s’intéresse surtout à la pertinence de ces dépenses pour le développement local et leur durabilité. En effet, en France, aucune station de ski n’est privée, mais simplement parfois déléguée à un privé par contrat.
Rapidement, Domaine Skiables de France (DSF), l’Association Nationale des Élus de Montagne (ANEM)et celle des Maires de Stations de Montagnes (ANMSM) ont réagi dans un communiqué, pointant une étude hors sol, s’opposant à la réalité du terrain. Plusieurs points de désaccord ont alors été pointés. Domaines Skiable de France reproche aujourd’hui « un battage médiatique à charge contre les stations de montagne« , fondé sur des éléments en partie erronés.
Un recours gracieux pour corriger le rapport
Le 14 mars dernier, Domaines Skiables de France (DSF) a donc envoyé un courrier de 18 pages au président de la Cour des Comptes, demandant rectification sur plusieurs points et « approximations« . Ces éléments auraient déjà été communiqués par l’organisation le 8 janvier, en réponse à l’envoi préliminaire du rapport. Ils demandent également communication auprès de la presse des éléments corrigés.
Dans son courrier, Domaines Skiables de France pointe plusieurs erreurs, parmi lesquelles :
- La profession reproche en premier lieu une indifférenciation du jugement entre les stations de ski. Ainsi, dans les grandes stations, qui représentent aujourd’hui 80% de la fréquentation française, le risque est jugé acceptable par les études d’ici à 2050. Selon une étude du CNRS, de l’INRAE et de Météo France qui fait aujourd’hui référence, seules 10 stations seraient considérées à fort risque en 2050 sur les 143 stations des Alpes étudiées. Cette étude a étudié le risque en cas d’usage de neige artificielle sur 45% du domaine. Sans ça, c’est plus compliqué. Domaine Skiables de France cite d’ailleurs dans son courrier une vingtaine d’évaluations par les Cours régionales des comptes des finances de grandes stations qui vont en ce sens.
- Pour DSF, la part de l’eau prélevée pour la neige artificielle est également surestimée. Dans le rapport, les prélèvements sont estimés à 8% des prélèvements globaux pour la Savoie. Ils ne seraient que de 0,1% selon la chambre syndicale (10 millions de m3).
- La méthode et les résultats concernant l’évaluation des subventions du secteur sont également surévalués selon DSF. Ils seraient de 10% pour les petites stations, contre 30% selon la Cour des comptes, et de 1,5% pour les grandes stations contre 15% selon les experts de la Cour.
- DSF conteste également les scores de vulnérabilités établis par la Cour des comptes, « avec des scores de vulnérabilité similaires attribués à Courchevel et à Font d’Urle, au Col de Porte et aux Deux Alpes« . Ces scores, perfectibles selon la Cour des comptes, prennent en compte trois indicateurs équipondérés : le risque climatique, la vulnérabilité des finances publiques et la dépendance au ski des populations locales. Sur ce point, DSF demande le retrait total des scores de vulnérabilité.
- DSF demande également que les doutes de la Cour des comptes sur les études liées aux retombées économiques du ski jugées « anciennes » et « insuffisamment documentée » soient supprimés du rapport.
- Enfin, DSF demande plusieurs corrections concernant la neige de culture, les délégations de services publics et les comparaisons flatteuses avec des modèles étrangers mal utilisés.
Pour Alexandre Maulin, président de Domaines Skiables de France, « tous les acteurs de la montagne sont en désaccord avec plusieurs éléments de ce rapport dont l’appréciation est en décalage avec la réalité économique globale de notre activité« . Il évoque une « diffamation » et « un rapport à charge, tirant à boulets rouges sur les exploitants de domaines skiables« . Le « timing » est également pointé du doigt, puisque le rapport a été publié à la veille des vacances scolaires de février et diffusé auprès de la presse par une conférence de presse. Enfin, il assure que la profession n’est pas dans le déni et mène « des actions au niveau local et à grande échelle » pour lutter contre le réchauffement climatique et s’y adapter. DSF a notamment lancé il y a 3 ans ses écoengagements, visant la neutralité carbone d’ici à 2037.